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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Marmont, le maudit, de Franck Favier

Le podcast de cet article est disponible ici.

Franck Favier, auteur de Bernadotte, un maréchal d’Empire sur le trône de Suède, semble apprécier les mal-aimés de l’Histoire. Et ceci pour notre plus grand plaisir de lecteur car il m’a fallu à peine une journée pour dévorer son livre Marmont, le maudit. Publié en 2018 chez Perrin, cet ouvrage revient sur la vie du duc de Raguse, traître éternel de la légende napoléonienne, dont le titre devint synonyme de trahison (« ragusade »). La mémoire du Premier Empire n’a guère épargné l’ancien compagnon d’armes de Napoléon dont la carrière est réduite à sa défection d’Essonnes en avril 1814. Franck Favier rend justice à cet homme bien plus complexe que sa ragusade laisse penser. N’hésitez pas à acquérir et lire cette biographie. 

Franck Favier suit la vie de son personnage selon un plan chronologique. Il développe d’abord les origines de la famille d’Auguste Louis Viesse de Marmont, né en 1774 à Châtillon sur Seine, dans l’actuelle Côte d’Or. Issu d’une famille de petite noblesse, fils d’un notable local, Marmont se tourne vers la carrière des armes. Comme pour de nombreux autres maréchaux d’Empire, la Révolution française est pour lui une aubaine, lui offrant une ascension accélérée. Aux côtés du capitaine Bonaparte à Toulon en 1793 (qu’il côtoyait déjà dans son régiment d’artillerie avant le début de la guerre), Marmont lie son destin au futur empereur : l’Italie, l’Egypte, général de brigade à 24 ans, gouverneur général des Provinces illyriennes, allié par son mariage à une riche famille de banquiers, maréchal d’Empire en 1809. Le destin sourit à Marmont. Au cours de cette ascension fulgurante apparaissent les premières failles : l’orgueil, la vanité, le goût des honneurs du faste. Vaniteux et orgueilleux, Marmont ne parviendra jamais à conserver sa fortune intacte et verra la quasi-totalité de ses projets échouer. Apparaît également au fil des pages le portrait d’un homme curieux (avide lecteur, écrivain doué), plaisant (il évolue à son aise au sein de la société et collectionne les conquêtes amoureuses), jaloux, ambitieux. 

De fait, Marmont est aussi en quête de la gloire militaire, comme l’explique Franck Favier. Sa participation à la bataille de Wagram en juillet 1809 n’a guère été brillante. Il est envoyé en Espagne en 1811 mais ses querelles avec les autres maréchaux d’Empire ouvrent la voie à Wellington qui met en déroute Marmont et son armée aux Arapiles en 1812 (Marmont lui-même y est grièvement blessé). Ses talents militaires semblent alors contrastés avant de se montrer plus éclatants durant les batailles de 1813 et 1814. 

Arrive la partie à mon sens la plus intéressante de l’ouvrage, les instants où sa vie (et sa place dans la mémoire) bascule définitivement. Franck Favier détaille minutieusement le cheminement de Marmont vers sa défection. La vanité et le goût des honneurs de Marmont semblent avoir joué un rôle décisif dans cet épisode. Taché à jamais par sa défection, Marmont est désormais arrimé aux Bourbons, sans pour autant totalement s’intégrer aux milieux aristocratiques. Les Trois Glorieuses de 1830, où il réprime la révolution parisienne tout en étant accusé de trahison par les légitimistes (Franck Favier démontre bien l’impact sur l’homme de sa conduite en 1814), entraînent son exil. Jusqu’à sa fin, Marmont porte le poids de 1814. Bouc émissaire commode pour Napoléon (afin d’expliquer sa première chute) et pour les autres dignitaires de l’Empire (eux-mêmes pas totalement irréprochables durant les derniers mois du règne de l’Aigle), Marmont est la figure par excellence du traître. 

Double ironie de l’Histoire : Marmont rencontre à plusieurs reprises Napoléon II à la cour de Vienne et lui conte les faits d’armes de jeunesse de son père. Lui, le ragusard, entretient ainsi la flamme de l’héritage impérial chez l’Aiglon avant que ce dernier ne s’éteigne, âgé à peine de 21 ans. Il est également le dernier des maréchaux d’Empire à mourir, à Venise en 1852. Ultime pied de nez : ses mémoires posthumes égratignent toute une série de hautes figures de la période impériale et suscitent de vives réactions. Y compris dans la mort, Marmont se fait haïr, comme s’il avait compris que le jugement de la Postérité était déjà tombé. Comme s’il était maudit. 

Octobre 2019. A lire. 

 

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