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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

La Grande Armée de la Liberté, de Walter Bruyère-Ostells

J’ai désespéré pendant plusieurs mois de trouver ce livre en occasion à un prix non prohibitif, sans parvenir à mettre la main dessus. Heureusement, la Grande Armée de la Liberté, de Walter Bruyère-Ostells reste disponible en e-book. Edité chez Tallandier, ce livre étudie le parcours des vétérans des guerres napoléoniennes après 1815. Le thème est follement évocateur et fait irrésistiblement vibrer notre fibre romantique : comment ne pas être intrigué par ces soldats perdus de l’Empire, partis mettre leur sabre au service de nouvelles causes, en Amérique du Sud, en Belgique ou en Grèce ? Au-delà du destin de ces anciens combattants, la Grande Armée de la Liberté dessine en creux le visage d’un archipel libéral qui émerge au sein du bloc de la Sainte-Alliance grâce au rôle moteur des vétérans de l’Empire. 

 

La défaite française à Waterloo signe l’arrêt de mort définitif du Premier Empire. Le licenciement de l’armée, massivement ralliée à Napoléon au retour de l’île d’Elbe, par Louis XVIII rend à la vie civile ou place en demi-soldes des milliers d’officiers et de soldats tandis que les plus compromis avec l’Empereur sont proscrits et exilés. L’effondrement du système napoléonien (chute de Murat à Naples, effondrement du royaume d’Italie et du Grand-Duché de Varsovie, réunion de la Belgique aux Pays-Bas) ajoute des Italiens ou des Belges à cette cohorte de soldats perdus. Parmi ces hommes, une part non négligeable est sous les armes depuis sa jeunesse, quelque soit la génération (Walter Bruyère-Ostells en distingue quatre, allant des volontaires de 1792 pour les plus anciens aux conscrits de 1813-1814 pour les plus jeunes), et ne connaît que le métier militaire. Que faire alors que l’Europe entre dans une période de paix ? 

 

Le monde ne manque pas de points chauds, en témoigne les guerres d’indépendance qui agitent l’empire colonial espagnol. Elles attirent ces professionnels de la guerre qui apportent à ces embryons d’armée leur expérience et le prestige des victoires napoléoniennes. Certains finissent par s’établir dans ces nouvelles républiques d’Amérique latine tandis que d’autres parcourent l’Amérique et l’Europe, sabre en main. Révoltes libérales à Naples et dans le Piémont, guerres d’indépendance grecque et belge, Trois Glorieuses : le livre de Walter Bruyère-Ostells démontre la présence d’anciens cadres des armées napoléoniennes en pointe des combats. Leur expérience et leurs savoir-faire, acquis après des années de victoires, leur permet d’organiser et de discipliner rapidement et efficacement les combattants placés sous leurs ordres.  Les exemples abondent pour illustrer l’omniprésence de ces vétérans. L’ouvrage se lit d’une traite et emmène le lecteur au Chili, en Grèce, en Belgique, dans les rues de Paris au cours des Trois Glorieuses, etc. On y croise des combattants éprouvés, farouches bonapartistes qui enfilent leurs vieux uniformes de la Garde impériale, d’anciens soldats qui enjolivent leurs carrières impériales pour en retirer du prestige, des Polonais, des Italiens, des Belges. Des carbonari ou des initiés de loges maçonniques, réseaux propices à la diffusion du libéralisme. Quelque part en Italie, un certain Louis-Napoléon Bonaparte et son frère, neveux d’empereur, rejoignent une colonne de vétérans en lutte. Malgré les échecs, malgré les divisions politiques entre anciens officiers napoléoniens, la chape de plomb posée sur l’Europe par la Sainte-Alliance se soulève peu à peu. A l’aube de la décennie 1830, le combat commence à porter ses fruits.

 

La Grande Armée de la Liberté, qui porte sur un sujet peu commun, est un livre qui mériterait une réédition. Les analyses développées démontrent que les anciens officiers napoléoniens sont loins de constituer un bloc bonapartiste. Cette grande armée de la liberté n’est ni structurée, ni ordonnée par un objectif commun. Son énergie est pourtant sans commune mesure. C’est cela qui fascine le lecteur au fil des pages et ce que développe Walter Bruyère-Ostells. Réseaux de recrutement, rôles politique et militaire joués par ces hommes, diversité des opinions politiques :  ces points traités par l’auteur illustrent leur omniprésence. Beaucoup de choses ont été écrites sur l’Empire comme la suite de la Révolution française. Walter Bruyère-Ostells donne une portée plus concrète à cette idée en montrant que les vétérans napoléoniens assurent, plus que Napoléon lui-même, la continuité entre la Révolution française et les combats révolutionnaires de la première moitié du XIXe siècle. Par leur omniprésence, leurs capacités à rallier, discipliner et mener des hommes en première ligne, les anciens combattants de l’Empire apportent une contribution décisive au succès des révolutions et insurrections européennes ou américaines, avant qu’une nouvelle génération de révolutionnaires ne les remplace. 

 

Janvier 2020.

 

 

 

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