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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

La Bataille de Cannes et ses fantômes, de Robert L. O’Connell

 

 

Il nous arrive d’être déçu à la lecture d’un ouvrage. La fin est un soulagement, les dernières pages une torture, au mieux un ennui. Il reste enfin le sentiment du temps perdu. Et si ces heures avaient été consacrées à un autre livre?

La Bataille de Cannes et ses Fantômes, de Robert L. O’Connell, appartient à cette catégorie. Le quatrième de couverture est pourtant alléchant. L’auteur s’intéresse à l’une des victoires les plus éclatantes de l’Histoire militaire. Pas seulement aux plans de bataille, au déroulé, au bilan, mais également au vécu des combattants, perdus dans la mêlée sanglante. Quant aux fantômes du titre, il s’agit des quelques milliers de Romains rescapés de la catastrophe (le reste de cette armée romaine de 80 000 hommes fut totalement anéantie par les soldats d’Hannibal). Ils furent envoyés combattre hors de l’Italie par le Sénat, dans une sorte d’exil militaire, et ne revinrent chez eux que vingt ans après. Le thème est accrocheur. La déception vient hélas rapidement.

Tout d’abord sur la forme. La traduction française est désastreuse : confusions répétées entre infinitifs et participes passés, ponctuation défaillante, absence ou abus de majuscules selon les chapitres. Les interlignes varient d’un paragraphe à un autre, et ce de manière répétée. Cela donne un aspect peu sérieux à l’édition.

Quant au style proprement dit, déjà desservi par la traduction, j’y ai été peu sensible. N’est pas Victor Davis Hanson qui veut. Robert L. O’Connell tente de nous plonger dans la mêlée mais n’y parvient que de manière brouillonne, à l’inverse d’un Victor Davis Hanson dont les terrifiantes descriptions de batailles sont saisissantes.

Sur le fond, le livre traite en réalité de la Deuxième Guerre punique en général. Un seul chapitre est consacré à la bataille de Cannes en elle-même et le destin des fameux fantômes se retrouve noyé dans le flot des sièges, batailles et escarmouches. Le traitement constamment positif d’Hannibal (« stratège de génie ») me paraît excessif. Le chef carthaginois l’a brillamment emporté à Cannes, massacré des milliers de légionnaires romains du début à la fin de la guerre, semé la terreur durant des années en Italie et après? A l’inverse, le consul romain Caius Claudius Nero, qui réalise pourtant une belle manœuvre (rejoindre en secret son collègue Marcus Livius Salinator afin de concentrer les forces romaines, détruire l’armée de renfort d’Hasdrubal sur les bords du Métaure et revenir sur ses positions face à Hannibal sans être décelés) est égratigné car il n’a pas su vaincre Hannibal. Scipion l’Africain est une figure de stratège nettement plus intéressante (et donne l’envie d’en apprendre plus sur lui). 

L’auteur pointe la nécessaire permanence du commandement des armées romaines et la professionnalisation de ses cadres comme la racine de la décadence de la République romaine. Peut-on toutefois faire des légions survivantes de Cannes les ancêtres des armées professionnelles et fidèles à leurs généraux des guerres civiles? La lecture de la Guerre de Jugurtha est un livre bien plus éclairant sur le pourrissement du régime.

En mettant de côté les problèmes de traduction, ce livre est une lecture potentielle pour une première approche de la Deuxième Guerre punique. L’Histoire militaire des Guerres puniques, de Yann Le Bohec, m’a bien plus convaincu. Si en revanche le but est d’approfondir ses connaissances sur la bataille de Cannes, le lecteur peut passer son tour. 

Janvier 2018.

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