La Guerre Iran-Irak (1980-1988), de Pierre Razoux

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Il existe des bijoux de lecture, des livres que l’on se délecte à lire tant ils sont passionnants sur le fond et agréables sur la forme. La Guerre Iran-Irak (1980-1988), de Pierre Razoux, appartient à cette catégorie. Chercheur reconnu travaillant à l’Institut de Recherche stratégique de l’Ecole militaire, auteur de wargames centrés sur les guerres au Moyen-Orient, Pierre Razoux nous propose l’ouvrage en français de référence sur ce conflit principalement traité par les auteurs anglo-saxons.

Commençons d’abord par le style. Pierre Razoux possède une belle plume. A aucun moment la lecture de ce pavé de 700 pages (sans compter les annexes), riches en faits, analyses et données techniques n’est fastidieuse. Au contraire, le récit des opérations, les tractations diplomatiques ou la description des enjeux économiques et politiques de la guerre déroulent, servis par une belle écriture fluide et précise. Les combats sont vivants et particulièrement bien relatés. Le lecteur se plonge sans difficultés dans la fureur des grandes offensives terrestres ou des combats. Il ne m’a fallu que quelques jours pour dévorer ce livre.

Sur le fond, Pierre Razoux s’appuie sur une très riche bibliographie et de nombreux entretiens avec des acteurs de l’époque. Il a notamment pu profiter des enregistrements des conférences stratégiques tenues par Saddam Hussein avec ses généraux. Servi par cette source provenant directement du cœur du pouvoir irakien, l’auteur peut ainsi analyser sans filtres le processus de décision du haut commandant de l’Irak. Ces vastes ressources documentaires alimentent ainsi une analyse minutieuse des deux belligérants, de leurs objectifs, de leurs forces et faiblesses mais également du rôle joué par d’autres acteurs majeurs ou mineurs de la guerre : Etats-Unis, URSS, France, pays européens et du Moyen-Orient, les mouvements kurdes, etc. Car la guerre féroce que se livrent Bagdad et Téhéran dépasse largement le cadre régional. Elle est l’occasion pour les grandes puissances d’accroître leur influence dans cette région stratégique, mais aussi pour d’autres pays d’engranger de juteux bénéfices grâce aux ventes d’armes. Ce conflit est loin d’être binaire, comme le montrent les politiques sur deux tableaux mises en œuvre par les acteurs internationaux. Les analyses fines et détaillées de Pierre Razoux nous entraînent dans les méandres d’un conflit qui a façonné le Moyen-Orient contemporain. A la conclusion du livre succèdent une série d’annexes balayant la chronologie du conflit, l’évolution quantitative et qualitative des forces en présence, le bilan des pertes humaines et matérielles, le point sur les livraisons de matériel militaire par les pays étrangers. En refermant ce livre, le lecteur possède une vision claire de cette guerre aux lourdes conséquences.

En Iran, la guerre a assuré le pouvoir du clergé chiite après la révolution de 1979. Elle a également imposé les Pasdarans (gardiens de la Révolution islamique) en tant que force politique, militaire et économique. Quant à Saddam Hussein, s’il dispose grâce aux financements et approvisionnements étrangers d’un outil militaire performant et efficace, le poids de la dette accumulée durant huit ans et le maintien sous les drapeaux de ses troupes par crainte d’une déstabilisation du pays, le mènent vers l’invasion du Koweït et la Guerre du Golfe en 1990-1991. Puis à sa chute finale en 2003 tandis que l’Iran émerge à nouveau en tant que puissance régionale. Quinze ans plus tard, le Moyen-Orient est encore ravagé par la guerre. Les secousses causées par la Guerre Iran-Irak sont loin d’avoir cessé.

Octobre 2018. A lire.