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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Recollections of a private soldier in the Army of the Potomac, de Frank Wilkeson

C’est un petit livre intéressant que j’ai terminé hier (ouvrage anglophone mais court et simple d’accès) : les souvenirs d’un ancien combattant nordiste de la Guerre de Sécession, Frank Wilkeson. Engagé très jeune en 1864 comme artilleur dans l’Armée du Potomac, celui-ci participe à la difficile campagne Overland de mai-juin 1864. S’apparentant au choc des titans de la guerre civile américaine, elle oppose Grant et Lee, deux des meilleurs généraux de ce conflit, dans une série de batailles qui s’achèvent sur le siège de Petersburg, dont la chute un an tard plus sonne le glas de la Confédération. Gordon Rhea, auteur américain, est l’auteur d’une série de référence (en anglais) sur cette campagne passionnante et méconnue sur le plan militaire. 

Frank Wilkeson propose dans son livre le point de vue d’un simple soldat, engagé volontaire dans une batterie d’artillerie. Désireux d’être au cœur de l’action, il « voit l’éléphant » (expression d’époque signifiant avoir son baptême du feu) durant la bataille de la Wilderness après avoir quitté son unité sans autorisation. Il rejoint une unité d’infanterie et se bat à leurs côtés pendant deux jours. Ces lignes sont saisissantes. L’affrontement se déroule dans une forêt impénétrable. La ligne de bataille avance et recule toute la journée. Les hommes tombent les uns après les autres. Le feu des tirs embrase la forêt et les blessés qui ne peuvent se mouvoir meurent sans pouvoir échapper aux flammes. Ayant eu son content de combat en première ligne, Frank Wilkeson rejoint sa batterie et est puni pour absence sans autorisation.

La campagne se poursuit. Étant artilleur, Wilkeson ne participe pas aux assauts de l’infanterie sur les fortifications ennemies. Il voit cependant les fantassins partir au combat et en revenir, moins nombreux. Les souvenirs de Wilkeson montrent des soldats avides d’informations. Certains font le tour des unités afin de rassembler des informations (« les news gatherers »). D’autres se regroupent pour étudier les cartes et spéculent sur les manœuvres en cours et futures. La fraternité d’armes est forte mais les soldats se font cependant peu de cadeaux. Gare à celui qui laisse son sac plein de provisions sans surveillance, certains (dont Wilkeson lui-même) se font une spécialité de les voler. 

L’Armée du Potomac accumule les pertes et voit arriver un flot continu de renforts. Parmi ces derniers, Wilkeson méprise les « bounty jumpers » (des hommes qui désertent peu après avoir touché la prime d’engagement et se réengagent ailleurs peu après) ou les « coffee boilers », des traînards qui esquivent les combats. Il a également un jugement dur envers les officiers et les généraux qui s’acharnent à envoyer leurs soldats à la mort (l’étude de la campagne Overland montre en réalité une série de manœuvres brillantes et talentueuses, réalisées à la fois par Grant et Lee). 

Saisissant l’opportunité d’une affectation dans une batterie en garnison à Washington, Wilkeson choisit de quitter les combats. Il finira la guerre dans des unités de garnison ou affectées en surveillance d’un camp de prisonniers à New YorK. 

J’ai beaucoup apprécié ce témoignage qui nous plonge au cœur d’une armée en campagne. Le recrutement de l’armée de l’Union fait d’elle une armée de soldats citoyens volontaires, dotés d’une conscience civique importante (l’intérêt des soldats pour les opérations dont ils débattent entre eux est un exemple). Loin d’être une armée professionnelle, l’armée fédérale est issue de la société américaine de l’époque et le témoignage de Frank Wilkeson en offre un exemple très intéressant. Sa lecture requiert cependant un esprit critique : par exemple, les couards et les traînards ne sont pas américains, mais étrangers (reflet d’une légende noire qui plana longtemps sur les soldats d’origine allemande). Les généraux ne furent pas de vulgaires bouchers. Ces défauts ne gâchent pas la lecture d’un livre qui est d’abord un témoignage remarquablement bien écrit.

Le style, vivant et cru, de Frank Wilkeson rend particulièrement intéressant un chapitre intitulé « how men die in battle ». De la Wilderness à Cold Harbor, Wilkeson s’attache méthodiquement à décrire les morts de soldats auxquelles il a assisté. Certains agonisent lentement, en toute sérénité ou dans la souffrance. D’autres tombent brutalement. Les traits crispés paraissent parfois indiquer une mort longue et douloureuse alors que le soldat a été tué sur le coup. La fureur du combat mène à des comportements étonnants : un soldat blessé à plusieurs reprises se frappe la jambe pour s’assurer qu’il peut encore marcher, puis retourne au combat. Il quitte finalement la ligne « en jetant furieusement son fusil à terre » une fois sa mâchoire emportée par une balle. Un autre soldat touché regagne brusquement des couleurs et retourne au combat avec le sourire lorsqu’il se rend compte qu’il a simplement été éraflé. 

Avril 2019. A lire. 

 

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