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L’écoute d’un podcast de Storiavoce dont l’invité était Simon Surreaux, auteur de Servir le roi, vie et mort des maréchaux de France au XVIIIe siècle, m’a donné l’envie de lire ce dernier livre. J’ai craqué dessus après l’avoir vu en vente à la librairie du château de Versailles. Dans son ouvrage, Simon Surreaux explique s’intéresser particulièrement aux maréchaux de France car leur dignité fait d’eux des personnages publics aux origines différentes (grandes familles nobles ou petite noblesse) reflétant la noblesse française du XVIIIe siècle. L’étude de leur mort (pas seulement des circonstances mais également de la préparation et ses conséquences : testament, sépulture, etc) permet de se plonger directement dans l’intimité de ces hommes. Confrontés à leur fin prochaine, les maréchaux ont le désir de mettre en ordre leurs affaires, préparer leurs successions, mais aussi laisser une trace d’eux sur terre et assurer le salut de leurs âmes. Dépositaires de la plus grande dignité militaire française, comment, face à la mort qui approche, ces hommes abordent-ils leur trépas ? Comment mêlent-ils ce saut dans l’inconnu et leur rôle public ?
Balayant les maréchaux du XVIIIe siècle, des plus célèbres comme le maréchal de Saxe à d’autres désormais obscurs, ce livre brosse un large spectre de profils : des hommes nés durant le Grand Siècle et nommés par Louis XIV, d’autres qui ont vécu leur fleur de l’âge durant les Lumières et sont morts durant la Révolution, ou même après. Dignité militaire, le maréchalat est accordé par le roi de France selon des critères de mérite (le maréchal de Berwick, tué au combat après une longue et belle carrière au service de la France, reçoit son bâton à 35 ans) ou en récompense en fin de vie. Certains maréchaux proviennent de grandes familles (Richelieu par exemple) et cumulent les titres et dignités (duc, pair de France, maréchal de France), d’autres sont des petits nobles de province et sont les premiers de leurs familles à accéder au sommet des honneurs. Certains sont riches, d’autres non. Ce choix des maréchaux comme sujet d’étude se révèle donc très intéressant pour aborder la noblesse française du XVIIIe siècle. Le traitement testamentaire des domestiques met en relief ces travailleurs de l’ombre et leur place dans les maisons nobles françaises et la vie privée. L’inventaire des biens tels que les bibliothèques permet d’observer une baisse progressive des ouvrages religieux au fil du siècle. Dans la rédaction même des testaments, les références religieuses diminuent et deviennent plus sobres. Un maréchal mort dans les années 1720 se montre beaucoup plus démonstratif dans sa foi qu’un autre maréchal rédigeant son testament soixante ans plus tard. La pratique religieuse devient plus intime. Reste l’affirmation du statut : mention de la dignité de maréchal de France, monuments funéraires, funérailles somptueuses. Autant de moyens pour ces hommes de conserver leur statut social au-delà de la mort, marque d’une conscience de classe comme l’écrit Simon Surreaux. Personnage public et personnage privé se mêlent pour refléter une noblesse issue de la société de son temps, celle d’un pays qui commence le siècle avec le Roi-Soleil et le termine avec la Révolution française.
Cet ouvrage court est à lire dans la continuité de la très intéressante émission mentionnée en introduction. L’étude exhaustive des testaments, monuments funéraires, funérailles des maréchaux de France du XVIIIe siècle offre un panel très intéressant de la noblesse française de l’époque, à la fois pénétrée de son rôle public (vie de cour, supériorité sociale, vie chrétienne) mais aussi de valeurs (rôle militaire de la noblesse, alors en plein déclin, les Lumières) qui évoluent dans le siècle. A ce titre très intéressant à lire.
Mai 2019.