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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Journal intégral de Sainte-Hélène, du général Gaspard Gourgaud

Le podcast de cet article est disponible ici.

 

J’ai refermé hier le Journal intégral du général Gaspard Gourgaud (1783-1852), compagnon d’exil de Napoléon à Sainte-Hélène de 1815 à 1818. Au cours d’un gros mois de lecture, j’ai accompagné dans son quotidien Gourgaud, l’un des « Évangélistes » de Sainte-Hélène (avec Las Cas, Bertrand et Montholon, ils sont les quatre principaux auteurs à avoir transmis la mémoire de l’exil). Edité une première fois en 1899 (merci à Fadi El Hage pour la correction!) par l’historien Octave Aubry, ce journal est paru à nouveau en octobre dernier dans une édition intégrale, établie par Jacques Macé, biographe de Gourgaud. Cela était nécessaire car l’édition incomplète d’Octave Aubry écartait de nombreux passages relatant des états d’âme très personnels de Gourgaud. Quelques regrets sur des notes de bas de page pas toujours précises, voire erronées (confusion entre plusieurs personnes notamment). L’introduction, la présentation et la conclusion du journal sont en revanche passionnantes à lire. Initialement, je pensais seulement feuilleter l’ouvrage (dissuasif pavé de plus d’environ 750 pages) et me plonger ponctuellement au gré du hasard dans le quotidien de Sainte-Hélène. Avant de me laisser emporter par Gourgaud.

 

Pourquoi lire ce journal ? Les écrits de Gourgaud jettent une lumière crue sur l’exil de Sainte-Hélène. Le Journal intégral de Gourgaud n’a pas de vocation littéraire, au contraire du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases qui constitue le socle de la légende napoléonienne. Gourgaud ne devait guère imaginer qu’un jour son triste quotidien serait publié et lu. Grâce à lui, nous disposons d’un témoignage passionnant de l’exil. Il s’agit avant tout pour l’ancien polytechnicien de jeter ses pensées et états d’âme, de consigner les principaux faits de la journée, ainsi que les propos de Napoléon, le tout sans filtre. Jour après jour, nous côtoyons cet homme à la personnalité complexe, lié avec Napoléon dans une relation haine-idolâtrie. L’Empereur apparaît sous la plume de Gourgaud comme un homme aigri, ressassant le passé, distribuant sentences et jugements sur les uns et les autres. La bataille de Waterloo obsède Napoléon qui revient sur sa défaite pour en rejeter la responsabilité sur ses lieutenants ou expliquer ce qu’il aurait fait en cas de victoire. Cette relation à double face entre Gourgaud, « Gorgo, Gorgotto », et son maître est exacerbée par l’attitude de l’Empereur qui trompe son ennui en jouant avec les nerfs de ses compagnons. Gourgaud, sensible et émotif, en fait les frais. Ses notes traduisent son désarroi, mais également sa tristesse et la dépression dans laquelle il sombre doucement (au prix d’un probable alcoolisme : environ 200 bouteilles vides furent trouvées dans sa chambre après son départ tandis qu’il se plaint régulièrement de maux de tête. Gueule de bois ?). Ces notes traduisent également l’isolement de l’homme, qui ne cesse de se désespérer de son célibat alors que Montholon et Bertrand sont accompagnés de leurs femmes et leurs enfants. Le quotidien à Longwood n’est guère reluisant. Il apparaît cependant terriblement humain. C’est un homme attachant, qui nous est devenu familier, que nous quittons une fois atteintes les dernières pages. 

 

Attaché de manière quasi-passionnelle à la figure de l’Empereur, l’officier d’artillerie est entièrement dévoué à son maître. Trop même, au point d’exprimer une jalousie maladive lorsque Napoléon privilégie tel ou tel de ses compagnons d’exil. Gourgaud se querelle avec ces derniers, d’abord Las Cases, puis Montholon, sur qui il reporte sa frustration de ne pas monopoliser l’attention de l’Empereur, Montholon à qui Gourgaud voue une haine de plus en plus farouche au fil des jours. Les tensions éclatent en février 1818. Gourgaud défie Montholon en duel. C’en est trop pour Napoléon qui exige le départ de son premier officier d’ordonnance. Après trois ans d’exil, Gourgaud quitte Sainte-Hélène. Il retrouvera l’île en 1840, lors du Retour des Cendres, pour un ultime face à face avec l’Empereur étendu dans son cercueil (1).

 

Décembre 2019.

 

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