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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Et si Napoléon avait gagné à Waterloo ? d’Antoine Reverchon

Et si Napoléon avait gagné à Waterloo ? Depuis deux siècles, la question déchaîne les passions, suscite les fantasmes les plus fous au sein de l’abondante littérature sur le sujet. A Sainte-Hélène, l’Empereur lui-même n’a eu cesse de revenir sur cette bataille qu’il aurait dû gagner, mais dont il n’a jamais compris les raisons de l’issue. Et Si Napoléon avait gagné à Waterloo ? est le titre du livre d’Antoine Reverchon. Il s’agit pour ce dernier de faire le récit et l’analyse qui aurait pu exister en cas de victoire française en Belgique. J’avais déjà rédigé la recension d’un autre ouvrage du même auteur, la France pouvait-elle gagner en 1870? Antoine Reverchon est donc un familier de cet exercice de l’uchronie (du what-if pour reprendre le terme anglo-saxon). 

 

La narration et l’analyse des deux mois d’opérations imaginaires qui succèdent au triomphe napoléonien du 18 juin 1815 reprennent la forme de l’ouvrage de Carl von Clausewitz, la Campagne de 1815 en France. De courts paragraphes « opérations », « plans », « critiques » se succèdent. Pour résumer les conséquences d’une victoire française à Waterloo, Antoine Reverchon décrit un rembarquement précipité des troupes britanniques tandis que l’armée prussienne est finalement écrasée. A cela s’ajoute un acte politique de Napoléon après son entrée à Bruxelles : la proclamation de l’indépendance belge afin de créer une zone tampon sur sa frontière nord-est et diviser la coalition. De fait, le gouvernement britannique chute et un Premier Ministre plus favorable aux intérêts français est nommé. L’Empereur peut alors se concentrer sur l’Alsace, envahie par une imposante armée autrichienne. Il s’agit de battre celle-ci avant l’arrivée des Russes afin que le tsar Alexandre pèse sur les autres protagonistes du Congrès de Vienne. S’ensuit un mois de durs combats qui aboutissent à l’anéantissement de l’armée autrichienne. Les fronts secondaires (Alpes, Provence et Midi) ne sont pas négligés. Napoléon atteint finalement son objectif : un autre congrès reconnaît son retour au pouvoir dans la limite des frontières de 1814. L’exil à Sainte-Hélène n’aura finalement pas lieu. 

 

Décrire et analyser ce qui n’a pas eu lieu est par nature un exercice difficile. Antoine Reverchon se plonge dans l’inconnu et ses conclusions restent soumises à de nombreuses objections. Napoléon aurait-il vraiment proclamé l’indépendance belge en juin 1815 ? Le coup est audacieux mais je n’ai jamais lu que Napoléon avait un tel projet (plus dissoudre les chambres à Paris…). Je le trouve également très optimiste sur la réaction du cabinet britannique. A mon sens, il s’agit plutôt d’une illusion de Napoléon qui oublie que Londres est acharné à combattre la France depuis 1792. Ensuite, même renforcée et victorieuse en Belgique, l’Armée du Nord aurait-elle pu soutenir un mois et demi d’opérations, ponctuées de victoires et défaites en Alsace ? Enfin, qu’en est-il de la situation politique à Paris ? Celle-ci n’est pas abordée. Une victoire française aurait-elle calmé les ardeurs à saper l’autorité impériale de Fouché et consorts ? Je pense pour ma part qu’une victoire française à Waterloo n’aurait entraîné qu’un Ligny bis : c’est-à-dire une nouvelle bataille à venir. Napoléon aurait peut-être fini par l’emporter en Belgique mais le coût humain de sa victoire aurait très certainement irrémédiablement affaibli ses forces alors que les armées russe et autrichienne montent en ligne.

 

Ce qui manque à Et si Napoléon avait gagné à Waterloo ? est l’exposé de la méthode qui a mené Antoine Reverchon à suivre ce fil des événements. Privé du support méthodologique aboutissant au choix d’une hypothèse et pas d’une autre, le récit perd de sa force. Les conclusions semblent être le fruit de l’arbitraire alors que l’auteur connaît son sujet et nous entraîne sur des théâtres d’opérations méconnus de 1815 (notamment l’Alsace). A cela s’ajoute le manque de cartes qui se trouvent rejetées à la fin du livre. Cela affaiblit un peu plus le récit des opérations qui devient peu parfois obscur à suivre, faute de pouvoir accéder facilement aux cartes. 

 

Et si Napoléon avait gagné à Waterloo ? ne constitue pas une lecture indispensable sur la campagne de Belgique de 1815. Ce livre sera plutôt destiné aux connaisseurs de la bataille soucieux d’élargir leurs perspectives ou bien aux personnes curieuses de découvrir le principe du what-if. Il faut noter dans la bibliographie la référence à quelques wargames. Ceux-ci, en simulant des batailles passées à un degré de réalisme plus ou moins fort, peuvent constituer le support d’une réflexion uchronique. Et si Grouchy n’était pas parti aux fraises ?

 

Avril 2020.

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