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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Les Cent heures de 1815 : la campagne de Belgique et Waterloo

Trois armées en mouvement

 

Cet article existe en podcast.

L'an dernier, je me lançais dans un fil twitter quotidien pour retracer les grandes lignes de la campagne de Belgique de 1815 dont l'acmé fut atteinte le 18 juin, jour de la bataille de Waterloo. Cet article est la compilation de ces tweets.

15 juin 1815 : la campagne de Belgique débute. Prise dans leur globalité, ces opérations soulèvent de nombreux problèmes : planification, command and control défaillant, controverses. Ce qui la rend passionnante à étudier. L’article qui va suivre revient de manière synthétique sur chacune des journées de cette campagne qui mènera à la défaite française à Waterloo le 18 juin.

Le 15 juin 1815, trois mois après son retour triomphal en France, Napoléon déclenche une offensive avant que les armées coalisées n’aient achevé leur concentration. Sur le plan stratégique, il s’agit d’attaquer avant d’être submergé par le flot des armées ennemies.

Sur le plan opérationnel, Napoléon choisit d’attaquer en Belgique. Deux armées (anglo-alliée de Wellington et prussienne de Blücher) y sont stationnées. Leurs forces cumulées sont le double de l’armée française mais elles sont dispersées. Napoléon exploite cette dernière faiblesse.

L’armée française (nommée Armée du Nord) totalise 124 000 hommes. Les Coalisés plus de 210 000 soldats, soit un rapport de forces de 2 contre 1. Napoléon vise la réduction de ce rapport de force par la manœuvre. Le plan est simple, terriblement efficace (la manœuvre en position centrale) mais risqué. L’idée de manœuvre est claire : attaquer au centre, au point de jonction des deux armées, pour les battre séparément. Le temps de concentration des coalisés joue en faveur des Français mais c’est un fusil à un coup que manie l’Empereur. En effet, s’il rate l’ouverture de la campagne, il affrontera deux armées complètes. En plus d’être risquée, l’opération reste stratégiquement hasardeuse. Napoléon compte sur un soulèvement en sa faveur des Belges (Français de 1795 à 1814) et une chute du cabinet britannique mais les alliés ont montré leur détermination en signant lacte final du Congrès de Vienne le 9 juin.

Le Congrès de Vienne

L’armée française des Cent-Jours est une belle armée. Rééquipée à la hâte, elle est fanatiquement dévouée à son Empereur. Les officiers supérieurs sont toutefois plus frileux. L’armée anglo-alliée de Wellington est constituée de troupes britanniques, hollando-belges et allemandes. Sa qualité est inégale. L’armée prussienne est composée de troupes professionnelles expérimentées, sorties vainqueurs des campagnes d’Allemagne de 1813, et de Landwehr, milice de faible qualité. Les Prussiens sont menés par le farouche Blücher, férocement francophobe, et son chef d’état-major Gneisenau.

Wellington
Wellington
Blücher

Le 15 juin, l’Armée du Nord franchit la Sambre et se heurte aux avant-postes adverses. C’est une course de vitesse qui est engagée entre les trois armées. À Bruxelles se tient le bal de la duchesse de Richmond auquel assiste Wellington tandis que les troupes sont en marche. L’idée de manœuvre de Napoléon fonctionne. Les forces coalisées sont dispersées et incapables de réagir efficacement. Même si l’armée française a pris du retard, elle est en position favorable. Divisée en deux ailes (dont une commandée par Ney tout juste arrivé), elle se prépare pour le 16.

 

16 juin 1815 : 2e journée de la campagne de Belgique, celle du premier choc dur entre les Français et leurs adversaires coalisés. L’Empereur remporte son ultime victoire. Batailles simultanées et controverses non éteintes rendent cette journée complexe à narrer. Les lignes ci-dessous en synthétiseront le déroulement.

L’armée française est articulée en deux ailes (gauche, Ney ; droite, Grouchy) + une réserve (Napoléon). Cette articulation est improvisée, compliquant la capacité de planification et conduite des opérations de l’Armée du Nord. Ney découvre ses unités dans la nuit du 15 au 16. Grouchy peine à s’imposer.

Grouchy
Ney

L’armée prussienne se concentre dans la région de Ligny. Napoléon y porte son effort avec l’aile de Grouchy et sa réserve. L’Empereur réalise que Blücher concentre son armée ici. Les Français disposent d’une occasion de détruire l’armée prussienne. Quant à Ney, il reçoit l’ordre de s’emparer des Quatre-Bras, point clé sur la route de Bruxelles. Sa prise bloquera toute possibilité de jonction entre Blücher et Wellington. Quand Ney a-t-il reçu l’ordre ? Le 15 au soir ou le 16 au matin. La question est importante. Un ordre donné le 15 au soir implique que Ney a fauté en tardant trop à lancer son attaque. Le 16 au matin fait porter la responsabilité sur Napoléon qui a laissé son aile gauche sans ordres. La controverse fait rage depuis deux siècles. Je penche personnellement pour le 16.

La bataille de Ligny

Les deux batailles (Quatre-Bras et Ligny) commencent en début d’après-midi. À Ligny, les Prussiens, galvanisés par Blücher, s’accrochent au terrain mais sont finalement battus. Aux Quatre-Bras, Ney est à un cheveu de s’emparer du carrefour mais les renforts anglo-alliés affluent. L’initiative de généraux hollando-belges évite à Wellington de perdre le carrefour sans combattre. La bataille fait rage. Ney appelle le Ier Corps du général Drouet d’Erlon, rattaché à son aile. En même temps, Napoléon donne l’ordre à ce corps de le rejoindre à Ligny pour achever la destruction de l’armée prussienne. Drouet d’Erlon est pris entre deux ordres contradictoires (une autre controverse sans fin sur qui a réellement écrit et donné cet ordre fait toujours rage). Résultat : son corps (20 000 hommes) se promène littéralement entre les deux champs de bataille. Sa quasi-apparition à Ligny sème la confusion dans le commandement français et retarde l’assaut décisif de la Garde impériale. Blücher est battu, manque de peu d’être capturé mais l’armée prussienne échappe à la destruction et bat en retraite à la faveur de la nuit. Gneisenau, chef d’état-major prussien, décide de retraiter vers le nord. Aux Quatre-Bras, malgré l’acharnement de Ney, Wellington tient le carrefour. Une contre-offensive ramène les Français sur leurs lignes du matin.

16 juin 1815 : les Quatre-Bras et Ligny

Même si Waterloo se déroule deux jours plus tard, la campagne se décide ce jour pour deux raisons :

  • Tout d’abord, la non-intervention du Ier Corps. Sa présence à Ligny aurait pu parachever la destruction de l’armée prussienne. 
  • Ensuite, la décision de Gneisenau de retraiter vers le nord (et non l’est, vers l’Allemagne). Cette décision ouvre la possibilité aux Prussiens de faire leur jonction ultérieurement avec les anglo-alliés. C’est ce qui se déroulera en effet à Waterloo.

Chargé par Napoléon, Ney a accompli à mon sens une bonne performance tactique en contenant Wellington malgré son infériorité numérique. Grâce à lui, jamais Napoléon n’a été inquiété par l’armée anglo-alliée. Napoléon remporte son ultime victoire mais sa performance générale reste moyenne. Alors qu’il est en position pour réaliser son idée de manœuvre (battre les deux armées ennemies séparément), il échoue à empêcher l’armée prussienne de retraiter. Ses improvisations en termes d’articulation de ses forces ont complétement faussé le command and control de son armée incapable d’exploiter ses qualités manœuvrières sur le plan opérationnel. Journée réellement décisive de la campagne de Belgique, le 16 juin voit les griffes de la défaite se refermer sur Napoléon. Son avantage principal, le temps, lui échappe. Waterloo n’est que la conséquence logique et inéluctable des événements du 16 juin.

Les trois victoires françaises dans la région de Fleurus - Ligny

 

17 juin 1815 : 3e journée de la campagne de Belgique. Succédant au double affrontement des Quatre-Bras et de Ligny, elle précède Waterloo. Cette journée voit les armées se remettre en condition avant de manœuvrer à nouveau.

Du côté prussien, les troupes vaincues à Ligny se réorganisent et poursuivent leur marche vers le Nord. Blücher a été retrouvé et il s’avère que son armée est loin d’être hors de combat. Mais Napoléon manque de renseignements pour s’en assurer. A Ligny, la matinée est consacrée au ramassage des blessés, au repos des troupes et l’entretien des armes. Napoléon se promène sur le champ de bataille, disserte sur la situation politique à Paris et envoie paître Grouchy venu demander des ordres. Il est souvent pointé du doigt pour son attitude désinvolte. Pouvait-il faire autrement ? Il ignore si Ney a vaincu ou non, manque de renseignements sur l’armée prussienne et doit remettre en condition son armée éprouvée par les durs combats de la veille. L’Empereur détache Grouchy et 33 000 hommes à la poursuite des Prussiens. Quels ordres reçut exactement Grouchy ? Quant au nombre de soldats, il apparaît être trop réduit pour achever l’armée prussienne et trop nombreux pour n’être qu’une mission de couverture et d’éclairage.

Aux Quatre-Bras, Wellington tient solidement le carrefour. Ney lui fait face. Les 20000 soldats du Ier Corps ont rejoint le champ de bataille. Hormis quelques échanges de tir, le secteur reste calme. Napoléon se décide à prendre Wellington à revers depuis Ligny. Mais le général britannique bat en retraite et freine efficacement la poursuite française, menée par Napoléon lui-même sous une pluie battante. Il s’arrête finalement sur une position reconnue l’année précédente : le plateau du Mont Saint-Jean, près d’un village nommé Waterloo. La promesse donnée par Blücher de le rejoindre a décidé Welllington à combattre ici. L’armée française stoppe sa poursuite en vue des positions anglo-alliées. Napoléon sinstalle à la ferme du Gros Caillou. Il pleut, la nuit est éprouvante. Une nuit de veillée darmes.

Le 17 juin, les Français détiennent encore l’initiative. Peuvent-ils encore l’exploiter ? Probablement pas. Encore une fois, Napoléon joue contre le temps et ce qui n’a pu être fait le 16 juin (la destruction de l’armée prussienne) ne pourra être fait le 17.

17 juin : les armées continuent de manœuvrer

 

18 juin 1815 : 4e journée de la campagne de Belgique. C’est la journée phare, celle qui marque les mémoires, celle qui fut à l’origine de milliers et milliers de pages depuis 200 ans. Napoléon mène son ultime bataille à Waterloo.

Waterloo

Je ne rebrosserai pas en détail les événements de la journée. Cela a été massivement traité dans les nombreux ouvrages qui se succèdent depuis 200 ans, et avec eux les débats acharnés. Le nom même de la bataille fut cause de désaccord. Napoléon l’appela Mont Saint-Jean, du nom d’une ferme sur le champ de bataille. Les Prussiens Belle-Alliance (une autre ferme). Waterloo, plus facilement prononçable pour un anglophone, s’imposa.

Estimant l’armée prussienne hors de combat, sinon vaincue définitivement, Napoléon se retourne contre Wellington. Celui-ci se déploie sur une belle position défensive, un plateau sur la route de Bruxelles, ponctué de puissants points d’appui (fermes fortifiés). Wellington est un général méticuleux et ne décide pas d’affronter Napoléon sans être certain qu’il pourra tenir en attendant les Prussiens. La conjonction position favorable + promesse d’aide de Blücher détermine sa décision.

Hougoumont, l'un des points d'appui de Wellington

Napoléon jette toutes ses forces dans la balance et paraît plusieurs fois proche de la victoire. La bataille s’apparente à un match de boxe, où chacun encaisse les coups jusqu’au K.O. Victoire britannique ? Sans l’arrivée des Prussiens, Wellington aurait été bien seul. De nombreux contingents belges, néerlandais et allemands composent l’armée de Wellington. L’Union Jack n’était pas le seul à flotter sur le plateau du Mont Saint-Jean. Les écrits de Sainte-Hélène nous montrent que Napoléon n’a jamais compris sa défaite. Comment cette armée dévouée à sa cause a-t-elle pu se désintégrer aussi rapidement ?

Pendant ce temps, à Wavre, Grouchy se heurte aux Prussiens. Un corps d’armée laissé en arrière fixe efficacement Grouchy qui mène un combat victorieux mais inutile. Manger des fraises ? Marcher au canon ? Contempteurs et thuriféraires de Grouchy ne cessent de se déchirer.

Pendant ce temps à Wavre...

Waterloo fascine. La charge de cavalerie de Ney, la résistance acharnée d’Hougoumont et de la Haye-Sainte, l’assaut final de la Garde impériale : les actions spectaculaires ne manquent guère. Plus tard, au cours de la Guerre de Sécession, certains généraux rêvent d’un American Waterloo : une bataille décisive menée sur le terrain de leur choix, comme le fit Wellington. Deux siècles plus tard, ce champ de bataille est désormais un lieu de visite et de mémoire, formidablement bien conservé, permettant de s’imprégner de l’ambiance de la bataille tout en étudiant celle-ci sous toutes les coutures.

Pour aller plus loin, cet autre article où je fais le récit de mon voyage à Waterloo.

La Butte du Lion

 

 

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