Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.
L’actualité a souvent son effet dans les envies de lecture. Dans le cas présent, le visionnage au cinéma du film Tirailleurs (avec Omar Sy mais également d’autres acteurs talentueux, je pense à Alassane Diong qui incarne le jeune Tiherno notamment) a motivé le choix de lire les Tirailleurs sénégalais – de l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, d’Anthony Guyon. Plus que les polémiques (devenues à mon sens rapidement stériles) qui ont entouré le film, c’est le souhait de mieux comprendre l’histoire de ces soldats coloniaux qui m’a incité à ouvrir ce livre. Ce dernier est le fruit de la thèse d’Anthony Guyon, dont le directeur de thèse fut le défunt Hubert Heyriès (auteur de cette remarquable Histoire de l’Armée italienne). La thèse complète est disponible ici.
Ya Bon de Banania, la livre la Force noire du général Mangin, chair à canon, le coupe-coupe et la chéchia sont au premier rang de la nébuleuse d’images qui entourent les tirailleurs sénégalais. Les Tirailleurs sénégalais – de l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, d’Anthony Guyon a pour objectif d’aborder ce thème de manière scientifique. Il s’agit d’un sujet incandescent, la récente actualité le montre. Quelques exemples cités par l’auteur montrent que les échanges peuvent être également vifs entre historiens. Anthony Guyon vise quant à lui à adopter une approche dépassionnée. Sa démarche est d’autant plus saine et appréciable qu’il l’écrit lui-même : son ouvrage n’a rien de définitif et de nombreuses pistes restent à explorer.
Le livre en lui-même suit une progression chronologique, de la création des tirailleurs sénégalais jusqu’à nos jours. Recrutement, instruction, vie quotidienne, parcours professionnels : Anthony Guyon brosse un portrait large et synthétique de qui furent les tirailleurs sénégalais (et sont encore car les derniers tirailleurs, en service dans l’armée française jusqu’à la décolonisation, sont toujours en vie). Des portraits individuels ponctuent le fil de la lecture. Non seulement ils illustrent clairement et simplement la diversité des parcours mais ils montrent aussi que l’histoire des tirailleurs sénégalais est loin d’être un bloc monolithique. Des premières conquêtes coloniales aux engagements sur le sol métropolitain durant les deux guerres mondiales en passant par la Guerre du Rif dans les années 1920 ou les guerres d’Indochine et d’Algérie, les conditions de leur emploi évoluent en fonction de la nature des conflits. Entre préjugés raciaux et réelle considération de ces soldats coloniaux, la perception et la réflexion des états-majors évoluent également. La question mémorielle mais également celle de la reconnaissance (concentrée dans la question des pensions) n’est pas éludée. Anthony Guyon montre bien, et la sortie du film Tirailleurs, que le sujet des tirailleurs est un sujet vivant.
Les Tirailleurs sénégalais – de l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, d’Anthony Guyon, est d’une lecture aisée et se montre très utile pour au moins dissiper un certain nombre d’idées reçues sur ces soldats, sinon pour creuser le sujet et élargir sa propre vision des choses. Sur un thème malheureusement vif, une telle lecture me paraît nécessaire pour acquérir les clés de compréhension. Un point est certain : les tirailleurs sénégalais appartiennent à part entière à l’histoire militaire française et mieux connaître et comprendre leur histoire est une étape symbolique mais nécessaire pour reconnaître leur part.
A titre d’information, Anthony Guyon est également intervenu dans le podcast le Collimateur dans cet épisode : les tirailleurs sénégalais, au-delà du cinéma.
Janvier 2023