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La visite de la maison natale de Charles de Gaulle à Lille en avril dernier (au-delà des accomplissements futurs de l’homme, remarquable exemple de la vie quotidienne d’une famille bourgeoise de l’époque) m’a permis de repérer ce petit livre, acquis peu après. Charles de Gaulle a profondément marqué de son empreinte l’Histoire de France au XXe siècle (chef de la France libre puis du Gouvernement provisoire de la République française, fondateur et premier président de la Ve République). Le fleuron de la Marine nationale porte son nom, l’appel du 18 juin est commémoré chaque année et la référence gaullienne est largement invoquée par les différents bords politiques. Mais de Gaulle est d’abord un militaire. Le 18 juin 1940, de Gaulle est âgé de 49 ans, a passé 31 années de sa vie sous l’uniforme et est général de brigade (à titre temporaire). Il est également l’un de ces millions de combattants de la Grande Guerre, ancien des combats de Belgique et de Verdun, prisonnier de guerre.
L’objet de ce livre, l’Officier Charles de Gaulle et ses chefs, écrit par Serge Doessant, est justement cet avant-18 juin. Quel fut le parcours du futur président de la République avant le saut dans l’inconnu de la France libre ? Le premier et principal outil pour étudier la carrière d’un officier est son dossier militaire personnel. Celui-ci contient l’ensemble de son parcours, ses affectations, décorations et surtout notations. Ces dernières traduisent la vision qu’ont les chefs d’un subordonné. Il apparaît que les notations de Charles de Gaulle sont en dents de scie. Sa vaste culture militaire et générale, ses grandes capacités intellectuelles sont largement reconnues mais il semble plus doué pour la synthèse que pour l’analyse. Plus marquant encore, son attitude hautaine, voire orgueilleuse, lui attire fréquemment des remarques. De Gaulle ne laisse pas indifférent et sa personnalité clivante le freine parfois dans sa carrière. Au-delà du destin personnel de Charles de Gaulle, ce petit ouvrage permet d’illustrer le parcours d’un officier saint-cyrien de la Grande Guerre et l’Entre-deux-guerres. Alternant temps de troupes ou état-major, mission militaire en Pologne, affectation au Levant, scolarité à l’Ecole de Guerre, de Gaulle se forge une expérience très variée. Sa mutation au secrétariat général de la Défense nationale est à ce titre une phase probablement marquante, lui permettant de côtoyer quotidiennement durant plusieurs années les hautes autorités militaires et civiles du pays. Son sens politique, dont il fera preuve par la suite (notamment face au général Giraud qui, ironiquement, est l’un de ses notateurs dans les années 1930). Fait intéressant relevé par le livre : le dossier personnel s’arrête (à la demande de Charles de Gaulle) au 18 juin 1940. Comme si le chef de la France libre avait compris qu’à partir de cette date, ses étoiles de général devenaient avant tout un outil politique. Son refus en 1946 d’accéder aux rang et appellation de général d’armée illustre la signification politique qu’il accordait à son grade de général de brigade, désormais associée à l’histoire de la France libre.
Le recours aux notations montre bien le poids de celles-ci sur l’évolution de la carrière d’un militaire. Je regrette certaines analyses superficielles (quels enseignements Charles de Gaulle, connu pour avoir prôné la guerre de mouvement et l’emploi des blindés, retire-t-il de sa mission en Pologne ?). Certains épisodes laissent déjà deviner la suite : son obstination à s’évader (cinq tentatives entre 1916 et 1918) durant sa captivité en Allemagne qui montre déjà le refus de la défaite (à titre personnel en tant que prisonnier de guerre), le temps passé au secrétariat général de la Défense Nationale où de Gaulle observe le monde politique et travaille avec lui. Comme l’observe l’auteur, en juin 1940, de Gaulle est une personnalité connue de la hiérarchie politique et militaire. L’ouvrage aborde également sa condamnation à mort par un tribunal militaire à l’été 1940. L’ensemble de la procédure est détaillé et montre l’aspect éminemment politique de ce procès. L’appel à la lutte d’un officier général français, intimement lié dans le passé au maréchal Pétain (de Gaulle fut un membre de son cabinet dans les années 1920), effraye les autorités de Vichy qui actionnent tous les leviers pour obtenir sa condamnation.
Petit ouvrage rapide et simple à lire (une centaine de pages), l’Officier Charles de Gaulle et ses chefs vaut avant tout par son aspect synthétique, très éclairant à la fois sur la carrière du général avant le Général mais également sur le parcours d’un officier français de l’Entre-deux-guerres, sur la carrière militaire du général de Gaulle avant qu’il ne bascule complètement dans la sphère politique. Indispensable à lire, non. Mais une lecture d’appoint utile pour qui s’intéresse à Charles de Gaulle et son parcours militaire.
Petit aparté car j’ai lu et entendu tout et son contraire sur la particule : de Gaulle ou De Gaulle ?
Octobre 2019.
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