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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

1709 – l’année où la Révolution n’a pas éclaté, de Gauthier Aubert

La Guerre de Succession d’Espagne est l’un de mes péchés mignons. Depuis la lecture de l’excellent livre de Clément Oury, j’aime retrouver cette période à travers différentes lectures. La dernière en date est un court ouvrage publié aux éditions Calype, intitulé 1709 – l’année où la Révolution n’a pas éclaté, de Gauthier Aubert. Cette jeune maison d’éditions publie principalement des biographies de personnages historiques (Richelieu, Suzanne Lenglen, Soliman le Magnifique, Rosa Luxemburg, etc.). Avec ce livre de Gauthier Aubert, elle propose à travers le texte de Gauthier Aubert un récit et une analyse de l’année 1709.

Le livre est structuré en quatre grandes parties suivant l’ordre des saisons (hiver / printemps / été / automne). Chacune de ces parties est introduite par quelques recommandations musicales (« les compositions qui ont accompagné et nourri l’écriture » de ce livre). J’ai enrichi chapitre après chapitre une liste de lecture musicale en suivant les recommandations de Gauthier Aubert. La lecture s’accompagne ainsi d’une dimension sonore. Le choix du découpage saisonnier est intelligent car la saisonnalité est étroitement articulée avec le fil des événements de l’année 1709. Ainsi, le « Grand Hyver » (une chute spectaculaire des températures en janvier 1709) est le point de départ d’une crise économique et sociale qui secoue un royaume de France déjà ravagé par la guerre. A ce phénomène climatique succède les efforts frénétiques de l’agriculture française pour permettre la récolte à l’été de l’orge massivement semé au printemps. Autre exemple du rôle structurant de cette saisonnalité, le principal événement militaire de l’année 1709, la bataille de Malplaquet se déroule au moins de septembre. Les conditions climatiques sont alors le plus favorables pour permettre aux armées de mener leurs opérations.

Sur le fond, Gauthier Aubert défend l’idée maîtresse suivante : en 1709, le royaume de France subit une succession de crises qui auraient pu remettre en cause l’œuvre louis-quatorzienne. Selon l’auteur qui s’appuie sur l’exemple des révolutions anglaises, les Lumières ne constituent pas la condition nécessaire d’une révolution en France. Celle-ci ne s’est pas produite car l’Etat a su encaisser le choc au cours de différents points de bascule sociaux, économiques, politiques ou militaires identifiés par l’auteur. Deux uchronies, bâties à partir de deux points de bascule différents (dont Malplaquet « l’Azincourt du Grand Siècle »), succèdent à la conclusion. Leurs déroulements, comme toute uchronie, sont contestables. Leur principal intérêt réside à mon sens dans le fait de mettre en relief ces fameux points de bascule. L’auteur a également pris un certain plaisir à les rédiger et cela se sent. Lire un livre que l’auteur a aimé écrire contribue indéniablement au plaisir de la lecture.

1709 – l’année où la Révolution n’a pas éclaté est une lecture plaisante, rythmée par les saisons et leur accompagnement musical. 1709 aurait pu être l’Année terrible avant l’heure. Frappée par les rigueurs de l’hiver et de la guerre, la France est au bord du gouffre. Plusieurs acteurs, Louis XIV, l’Etat, l’armée, le peuple, lui permettent d’échapper au chaos. Leurs interactions s’avèrent en effet décisives pour éclairer l’année 1710 d’une lueur pâle mais bien plus favorable que l’année précédente. A travers le récit de Gauthier Aubert, la complexité des relations politiques et sociales au sein d’une nation apparaît clairement. Ce qui apparaît encore plus clairement est leur absence de déterminisme. Alors qu’une inquiétude saisit collectivement notre société au sujet de son avenir, ce point est à retenir.

Février 2024

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