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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Arpenter 1861 : Wilson's Creek, second affrontement majeur de la Guerre de Sécession

Vers Bloody Hill


Comme je l’ai déjà écrit, la Guerre de Sécession est un conflit qui me fascine et me passionne depuis des années. Toutefois, c’est seulement à travers les livres que j’ai pu l’étudier et la percevoir. Visiter un champ de bataille de la Guerre de Sécession est un vieux rêve. Poser le pied sur un tel lieu constitue pour moi une manière de rendre concret cette passion, de donner corps à toutes ces lectures, de toucher du doigt ce que vécurent les combattants emportés par cette guerre civile.

Wilson’s Creek, cours d’eau perdu du Missouri

Au-delà de cet aspect passionnel, visiter un champ de bataille nourrit l’étude et la réflexion tactiques. Ces dernières acquièrent une dimension concrète qui enrichissent les lectures passées ou futures. Je l’avais déjà expérimenté en visitant Waterloo, Quatre-Bras et Ligny en décembre 2019. Les caractéristiques du terrain ne sont plus simplement des lignes tracées sur une carte. La pente à monter laisse imaginer ce que devait être cette expérience pour un combattant équipé avançant sous le feu ennemi.

Le rêve de visiter un champ de bataille de la Guerre de Sécession a été réalisé le 18 février 2024. L’opportunité s’est présentée à l’occasion d’un déplacement professionnel au Kansas. A trois heures de route de l’endroit où je me trouvais se situe le Wilson’s Creek National Battlefield, juste à côté de la ville de Springfield (Missouri). J’ai déjà évoqué ici le déroulement de cette bataille, ses tenants et ses aboutissants. J’y reviendrai donc assez peu. Contrairement à Waterloo, je n’y suis pas allé seul. Quatre camarades m’ont suivi dans cette découverte de Wilson’s Creek.

En termes de préparation, je me suis appuyé sur plusieurs choses. Bien qu’écrit en 2011, l’article sur Wilson’s Creek m’a déjà familiarisé depuis longtemps avec cette bataille. Dans les semaines précédant la visite, j’ai rejoué cet affrontement en wargame afin de me réhabituer aux caractéristiques du terrain et aux ordres de bataille des forces en présence. En outre, le Command Staff and General College de l’US Army met à disposition en ligne un remarquable document, indispensable pour préparer une telle visite. Long d’une centaine de pages, le Wilson’s Creek Staff Handbook expose clairement et longuement non seulement le déroulement de la bataille, mais également les deux armées en présence, leurs tactiques et leurs armements. Cela permet, notamment pour un non-initié, de se représenter et comprendre les dynamiques de la bataille. Enfin, le site internet du Wilson’s Creek National Battlefield propose quelques cartes et des informations pratiques (horaires, accès, etc.).


Le champ de bataille de Wilson’s Creek se situe à une vingtaine de minutes de la ville de Springfield où un visiteur trouvera sans difficultés un hébergement. Il n’y a pas de point de restauration sur le National Battlefield : il est donc recommandé d’amener son propre pique-nique pour une visite à la journée. Le Visitor Center est ouvert de 08h00 à 17h00. Une visite gratuite d’une courte exposition consacrée à la Guerre de Sécession et à la bataille de Wilson’s Creek. Cette visite débute par un film très bien fait de 30 minutes retraçant à l’aide d’images de reconstitutions historiques le déroulement de la bataille. L’exposition proprement dite s’articule ensuite entre une présentation du contexte général et des combats. De nombreux objets liés à la bataille (par exemple le lit de mort du général nordiste Lyon) sont exposés. La muséographie s’avère particulièrement bien conçue dans la mesure où elle permet au visiteur de réaliser concrètement ce qu’était les armements de l’époque (poids d’un boulet ou d’un sabre, toucher une balle Minié ou un shrapnel). Une carte 3D reconstitue de manière dynamique les manœuvres des deux armées grâce à un système de lumières. Elle permet en outre d’appréhender assez clairement la topographie. La visite du Visitor Center (et de sa boutique pour les plus dépensiers) est un préalable indispensable à celle du champ de bataille.

Le tour du champ de bataille peut être effectué de deux manières différentes : à pied ou en voiture. Une circulaire goudronnée fait le tour du National Battlefield. Différents parkings situés à proximité de points particuliers du terrain jalonnent cette route. L’autre option consiste à effectuer la visite à pied. La circulaire est accessible aux piétons et de nombreux sentiers sillonnent le champ de bataille. Un plan est disponible à l’accueil. Je craignais qu’il ne soit pas assez précis mais couplé au Staff Ride Handbook, il s’avère suffisant. Les sentiers sont en effet très bien tracés et les points particuliers clairement indiqués par des panneaux. Je recommande le port de chaussures adaptées à la marche pour le franchissement des différents gués.

Le tour du champ de bataille a été effectué dans le sens des aiguilles d’une montre en utilisant le Staff Ride Handbook comme principale référence. Celui-ci propose 17 points de stations. Dans le livret, chaque point de station est accompagné d’un commentaire sur les événements qui s’y sont déroulés, d’axes de réflexion tactique et d’extraits d’écrits d’anciens combattants (lettres ou journaux). Le parcours suit ainsi trois axes : factuel, réflexif, intime. Nous avons été sur 16 des 17 points de station, soit une douzaine de kilomètres de marche en 5 heures.

Les 17 points de station proposés par le Staff Ride Handbook

Le premier compartiment de terrain que nous traversons se situe au nord du champ de bataille. Il s’agit d’un large champ donnant accès à un sentier longeant la petite rivière de Wilson’s Creek. Le sentier mène vers le site d’un ancien moulin aujourd’hui disparu, Gibson’s Mill. Cette première étape est intéressante. La prairie était une zone de bivouac confédérée tandis que le parcours le long du cours d’eau (peu profond, large d’une dizaine de mètres) laisse imagine les implications tactiques qu’un tel obstacle représentait. La rivière est aisément franchissable mais sa traversée briserait alors l’ordonnancement d’une ligne de bataille. Au XIXe siècle, la manœuvre repose sur la cohésion des unités. La majeure partie des régiments engagés à Wilson’s Creek sont constitués de troupes inexpérimentées peu habituées à manœuvrer ensemble. Les délais pour retrouver les alignements indispensables à l’efficacité de la manœuvre sont donc allongés. Il ne suffit que de quelques secondes pour briser le bel ordonnancement d’une ligne de bataille en marche. Dans le feu de l’action, ces quelques secondes peuvent être décisives. De plus, il faut s’imaginer ce que cela peut représenter pour le combattant de traverser un cours d’eau. Très prosaïquement, il aura les pieds trempés. Lorsque la marche dure des heures, cette situation d’inconfort peut engendrer de véritables souffrances en raison des frottements du pied contre les chaussettes trempées ou le cuir humide des brodequins. Pour des armées majoritairement constituée d’infanterie, la capacité du soldat à parcourir de longues distances à pied est cruciale afin gagner un avantage tactique. Si les pieds du soldat souffrent, la distance parcourue sera moindre. Au combat, cet inconfort s’ajoute à d’autres facteurs de stress qui réduisent l’efficacité du combattant en raison de leur accumulation.

Nous nous dirigeons ensuite vers l’Est du champ de bataille en direction de Ray House. Lorsque les combats  éclatent, cette famille unioniste propriétaire d’esclaves se réfugient dans le sous-sol de sa maison. La maison est épargnée par la mitraille mais est ensuite utilisée comme hôpital de campagne par les Confédérés. Des dizaines de soldats blessés y sont amenés. Ceux qui succombent à leurs blessures sont enterrés derrière le bâtiment. Ce dernier est authentique et est entretenu par les services du National Battlefield. L’intérieur est accessible mais la maison était fermée le jour de notre visite. Elle se situe au sommet d’une ligne de crête surplombant le champ de bataille, offrant ainsi une superbe vue sur le champ de bataille, notamment Bloody Hill au loin, autre point caractéristique du terrain. En contrebas se trouve un ruisseau et l’Icy House de la famille Ray. La prairie que nous traversons est barrée d’une clôture en bois en zigzag typique du XIXe siècle. Tactiquement, ce type de clôture offre une avantage défensif pour une troupe qui s’abriterait derrière. Pour un régiment en attaque, elle constitue en revanche un désavantage similaire au franchissement d’un cours d’eau : il faut en effet escalader la clôture puis reformer les rangs de l’autre côté, le tout sous le feu ennemi. Une scène du film Gettysburg (1993) montre très bien le piège mortel que peut être le franchissement d’un obstacle en apparence aussi anodin qu’une clôture. Ce compartiment de terrain est en outre coupé par une succession de lignes de crêtes et thalwegs. Pour un fantassin en arme pris sous le feu ennemi, ces montées et ces descentes constituent un effort d’autant plus épuisant que le 10 août 1861, la journée est ensoleillée et la température dépasse allégrement les 30°C. Nous déjeunons à une centaine de mètres en contrebas de Ray House avant de reprendre la route.

Clôtures en direction de Ray House

Depuis le début, notre parcours nous emmène dans les lignes confédérées. Nous y restons encore pour les points de station suivants. Le premier est la position de tir d’une batterie d’artillerie confédérée au sommet d’une butte.  Un canon s’y trouve. Le sous-bois a poussé et masque partiellement les vues mais entre la cime des arbres, nous comprenons qu’en 1861, la position offrait une excellente vue directe sur les pentes de Bloody Hill où se trouvent les lignes fédérales. Grâce à sa puissance de feu, l’artillerie démultiplie la valeur défensive d’une position ou appuie les attaques de l’infanterie. La présence de ce canon rappelle qu’il y a plus de 150 ans, le bruit des explosions remplissait l’air en lieu et place du chant des oiseaux et du son du vent.

Canon confédéré pointé vers Bloody Hill

A quelques dizaines de mètres au sud de cette position, un sentier débouche sur une grande prairie. Sur cette dernière bivouaquait plusieurs centaines de soldats de la Missouri State Guard, milice pro-confédérée levée au sein du Missouri et commandée par le major général Sterling Price, ancien gouverneur de l’Etat. Au centre de la prairie se trouve Edward’s Cabin, une petite cabane en bois reconstituée. Elle constituait le quartier général de Sterling Price. Lorsque la bataille éclate, Sterling Price prend son petit-déjeuner (ici ou ailleurs) avec le brigadier général Benjamin McCulloch, commandant les troupes confédérées à Wilson’s Creek. Cette proximité accroît leur réactivité face à la surprise de l’assaut fédéral et leur permet de synchroniser leurs actions. Ce point constitue un des facteurs des succès de la victoire sudiste. Edward’s Cabin est ouverte. Nous entrons dedans. L’intérieur est vide et exigu. Nous pouvons cependant imaginer sans difficultés qu’un toit et un cheminé constituaient un élément de confort indéniable, devenant rapidement le privilège du chef. Surplombant Edward’s Cabin se trouve Bloody Hill, maelström de la bataille.

Edward’s Cabin. Autour, les anciennes zones de bivouac confédérées. Au loin derrière, Bloody Hill.

Après Edward’s Cabin, nous nous dirigeons au Sud vers les lignes fédérales. En infériorité numérique à 1 contre 2, le brigadier général Nathaniel Lyon base le succès de sa manœuvre sur l’effet de surprise accru par une manœuvre en tenaille. La pince Sud, forte d’une brigade, est commandée par le colonel Franz Sigel. Meneur influent de la communauté de migrants d’origine allemande établis dans le Missouri, Sigel s’élève durant la guerre jusqu’au commandement d’un corps d’armée, plus en raison de son influence politique et de ses réseaux que de ses réelles compétences militaires. A la tête d’un quart des forces fédérales présentes à Wilson’s Creek, il réalise avec succès une manœuvre d’infiltration au Sud des bivouacs confédérés et parvient à les surprendre en ouvrant le feu avec son artillerie. Sigel et ses hommes détiennent un rôle clé dans la manœuvre fédérale. Leur apparition soudaine surprend non seulement les Confédérés encore endormis, offrant un ascendant initial aux Nordistes. Son intervention permet également de fixer des troupes sudistes qui n’affrontent pas la force principale aux ordres de Lyon. Sigel contribue ainsi directement à l’attaque principale en lui permettant d’être déclenchée avec un rapport de forces favorable. Bien que risquée, la manœuvre est conceptuellement excellente. Son déroulement est toutefois une remarquable illustration du décalage existant au début de la guerre entre les idées de manœuvre et leurs applications concrètes. La brigade de Sigel est constituée majoritairement de migrants allemands dont il s'agit du premier engagement majeur. Sigel lui-même n’est pas préparé à commander une telle force : sa formation militaire date de la fin des années 1840 et est celle d’un lieutenant. La confusion qui règne sur cette portion du champ de bataille est symptomatique de l’improvisation du début de la guerre. Voyant s’approchant un régiment vêtu de gris, Sigel et ses hommes pensent qu’il s’agit du 1st Iowa nordiste dont les uniformes sont gris. Il s’agit malheureusement d’un régiment confédéré dont la salve dévastatrice à courte portée provoque la panique. La brigade de Sigel est mise hors de combat. Sa neutralisation permet aux Confédérés de concentrer leurs efforts sur la force principale de l’armée fédérale et rétablir un rapport de forces favorable. La position occupée par Sigel et ses troupes est favorable. Nous y accédons en franchissant un petit gué, occasion de quelques glissades et rigolades. De sa position, Sigel domine la prairie d’Edward’s Cabin et est dans une position favorable pour repousser toute contre-attaque sudiste. Quelques centaines de mètres en face, Bloody Hill, où se trouve le gros de l’armée fédérale, trône. Nous pouvons penser que grâce à cette vue directe, Sigel peut suivre la progression de Lyon et ainsi ajuster sa manœuvre à celle de son supérieur. Comme nous l’avons vu, c’est un échec. Il faut tout d’abord imaginer la fumée des tirs qui obscurcit le champ de bataille. Sigel pouvait-il réellement suivre ce qui se passait sur Bloody Hill, d’autant plus que la diversité des uniformes crée de la confusion ? Il fait chaud, Sigel a peu dormi  et se retrouve responsable d’un quart de l’armée fédérale. Il y a de quoi troubler sa clairvoyance. A ce titre, le cas de Sigel (qui confirme au cours du conflit une incompétence en matière militaire) offre toutefois un support de réflexion sur les conditions de la prise de décision.

J’évoquais plus haut une partie de wargame modélisant la bataille de Wilson’s Creek. Un tel jeu s’intègre pleinement au processus d’apprentissage historique grâce aux recherches (topographie, ordres de bataille) effectuées par les développeurs. Il est passionnant de rouvrir le jeu et d’étudier le rapport carte / terrain à la lumière de la journée passée sur le champ de bataille. Le wargame permet en outre de recréer les défis décisionnels qui se sont présentés aux chefs d’antan et / ou d’expérimenter des combinaisons tactiques différentes. Ce jeu crée toutefois un biais d’omniscience : le joueur manœuvre à sa guise toutes ses unités sans se soucier de la coordination. En l’occurrence, les forces de Lyon et Sigel peuvent agir de façon synchronisée sans difficultés. Cela m’a ainsi permis de fixer une partie des troupes sudistes grâce à un Sigel plus agressif tandis que Lyon menait un assaut soutenu depuis Bloody Hill. Dispersée et usée, les unités confédérées finissent par succomber une fois la jonction de Lyon et Sigel effectuée. Ce résultat est à relativiser car la partie s’est jouée contre une IA notoirement déficiente. Elle est cependant intéressante car elle laisse imaginer le résultat qu’aurait pu produire une manœuvre synchronisée des deux pinces de la tenaille fédérale. Un scénario alternatif propose d’explorer une attaque fédérale dans laquelle Sigel ne mène pas de manœuvre tournante et s’intègre directement dans la force principale.

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Wilson's Creek (opus Ozark, de Wargame Design Studio) - le Nord est sur le bord droit de la carte.

Nous quittons la position de Sigel et rebroussons chemin à travers la prairie d’Edward’s Cabin afin de nous diriger vers Bloody Hill. Ce point haut se nomme initialement Oak’s Hill. Les violents affrontements qui s’y déroulent lui valent ce nouveau nom. Bloody Hill est à mon sens la zone clé du terrain. Son contrôle permet à l’attaquant de disposer d’une base d’assaut dominant les lignes confédérées (offrant un meilleur champ de tir à l’artillerie fédérale) tout en constituant une position défensive favorable pour repousser les contre-attaques sudistes. des canons matérialisent les positions des batteries d’artillerie fédérales. La localisation en hauteur leur ouvre un champ de tir avantageux face aux troupes confédérées qui montent à l’assaut de Bloody Hill.

 

Vue depuis les lignes fédérales sur Bloody Hill

C’est sur les pentes de Bloody Hill que les combats entre Fédéraux et Confédérés furent les plus acharnés. Attaques et contre-attaques se succèdent. Les Confédérés ont l’avantage du nombre mais l’armée fédérale tient un terrain favorable à la défense. Bien que blessé après avoir eu un cheval tué sous lui, Lyon prend le commandement direct de l’une de ces contre-attaques et mène la charge d’un régiment de volontaires du Kansas. Au XIXe siècle, il ne faut pas imaginer une charge d’infanterie comme une masse d’hommes se jetant à l’arme blanche sur une autre masse d’hommes. De fait, les combats à l’arme blanche sont peu fréquents bien que l’usage de la baïonnette soit fantasmé. L’effet de la charge est avant tout psychologique : soit le défenseur craque et recule en voyant une force adverse progresser vers lui avec détermination, soit l’attaquant cesse son assaut face à la détermination du défenseur. Dans le cas de la charge déclenchée par Lyon, il s’agit probablement d’amener une ligne de bataille vers une position plus favorable afin de démultiplier l’efficacité des tirs. Lyon compte alors sur l’effet psychologique de sa présence afin d’inciter les soldats fédéraux à avancer sous le feu. Lyon est à cheval. Le fait d’être monté ou à pied représente pour le chef tactique un dilemme. S’il est à cheval, il dispose d’une meilleure mobilité et d’une meilleure visibilité qui facilement le commandement et le contrôle des troupes placées sous ses ordres. Il représente cependant une cible facile sur qui se concentre les tirs. Être à pied réduit sa vulnérabilité mais il perd en compréhension de la situation tactique et rencontre plus de difficultés à commander. Quelques minutes après le déclenchement de la charge, Lyon est tué d’une balle en plein cœur. La perte de ce chef énergique et agressif prive définitivement l’Union de l’ascendant. J’ai toujours été très intéressé par la figure de Lyon. Ses actes depuis le début de la Sécession ont directement contribué à fermement arrimer le Missouri à l’Union. Celui qui n’était qu’un capitaine trois mois auparavant a ainsi participé à l’obtention d’un avantage stratégique par le Nord. Tactiquement, il est difficile d’émettre un jugement définitif sur Lyon. La seule grande bataille qu’il mène s’achève sur une défaite et sa mort. Son idée de manœuvre audacieuse lui permet cependant de mettre sérieusement en difficulté l’armée sudiste. Le manque de coordination avec Sigel l’empêche cependant d’exploiter son ascendant. Lyon est mort trop tôt pour se faire une idée ferme des compétences tactiques réelles de Lyon. Mon intuition me pousse toutefois à écrire qu’une plus grande expérience du commandement d’une armée, couplée à son agressivité et son énergie, aurait pu faire de lui un chef militaire redoutable.

Stèle marquant le lieu où le brigadier général Nathaniel Lyon a été tué.

Une stèle marque le lieu où Lyon est tué. Dans le chaos de la bataille, une heure s’écoule avant que le major Samuel Sturgis n’apprenne la mort de son chef. Prenant le commandement de l’armée, Sturgis ordonne la retraite de l’armée fédérale. Le Sud est vainqueur. Seuls restent sur le champ de bataille les blessés et les morts. Les blessés confédérés sont déposés à la Ray House. Quelques morts sont inhumés derrière la maison. Plusieurs fosses communes recueillent les dépouilles des soldats fédéraux tués au combat. Ainsi, le Sinkhole, une fosse située à proximité de la stèle de Lyon, accueille par exemple le corps de 34 Fédéraux. En 1867, le Springfield National Cemetery est créé. Les corps des combattants nordistes y sont rapatriés. Quant à Lyon, après avoir été abandonné sur le champ de bataille, son corps est rendu aux Nordistes. Premier général de l’Union tué au combat, Lyon devient le martyre et la figure de proue de la cause unioniste. Il est enterré dans le Connecticut, son Etat natal.

Le Sinkhole

La découverte de Wilson’s Creek s’achève sur deux points de station. Le premier est une batterie à l’extrémité gauche de la ligne confédérée. Cette position montre clairement l’enveloppement progressif de l’aile droite fédérale par les forces sudistes. Une fois Sigel mis en déroute, McCulloch opère en effet une bascule d’effort et ramène ses troupes vers Bloody Hill. Entre la mort de Lyon et le décalage croissant en termes de rapport de forces, la position fédérale devient ainsi de plus en plus difficile à tenir. Enfin, le dernier point de station offre une magnifique vue au loin sur Ray House et la prairie en contrebas qui a servi de zone de bivouac aux Confédérés.

Le choc du combat sur une armée sudiste épuisée et divisée entre forces confédérées aux ordres du McCulloch et la Missouri State Guard de Price ne permettent pas au Sud d’exploiter sa victoire. Le Missouri reste aux mains du Nord. Quelques mois plus tard, la victoire fédérale de Pea Ridge en mars 1862 écarte définitivement toute menace confédérée du Missouri. Une guérilla continue cependant d’ensanglanter l’Etat jusqu’à la fin de la guerre.

J’ai ressenti une réelle émotion à visiter le champ de bataille de Wilson’s Creek, surtout aux côtés de mes camarades qui ont accepté de me suivre dans ce périple. Cela fait des années que je reviens régulièrement sur cette bataille passionnante à étudier d’une part pour ses aspects purement tactiques, d’autre part car elle engage deux armées d’amateurs, diversement entraînés et équipés. Ce second élément constitue un point de réflexion très intéressant sur le fait de lever une armée et l’engager immédiatement au combat, que ce soit en termes en d’équipement et d’entraînement mais également de planification. Le décalage entre l’idée de manœuvre audacieuse de Lyon et son exécution ratée en raison de l’inexpérience des cadres de l’armée fédérale montre bien la nécessité de la simplicité sur le plan tactique. Remarquablement bien entretenu et bénéficiant d’une excellente muséographie, concrète et adaptée à des visiteurs peu au fait de la Guerre de Sécession, le Wilson’s Creek National Battlefield constitue une étape indispensable pour tout amateur d’Histoire (ou pas) qui croisera dans les parages. Enfin, je garderai désormais un attachement particulier pour ce lieu car c’est à Wilson’s Creek que j’ai réalisé un rêve : visiter un champ de bataille de la Guerre de Sécession.  

 

Dernier point de station. Au loin, Ray House

Février 2024

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