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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

La Fin, Allemagne 1944-1945, de Ian Kershaw

Dans la foulée de Barbarossa, qui restituait très bien la dynamique destructrice du nazisme dans le cadre de l’invasion de l’Union soviétique en 1941, j’ai eu envie de ressortir de mes étagères un ouvrage lu il y a quelques années. La Fin, Allemagne 1944-1945, de l’historien britannique Ian Kershaw, a pour objet les derniers ultimes mois d’existence du IIIe Reich. L’auteur, spécialiste du nazisme, s’interroge sur les raisons qui ont mené à une fin si tardive de la guerre, alors que la défaite de l’Allemagne est inéluctable. Barbarossa se situe dans un contexte triomphal pour l’Allemagne, la Fin montre l’étau qui se resserre autour le Reich.

L’étude se place à plusieurs niveaux : civils et soldats, généraux, hauts dignitaires nazis. Les lettres, journaux et mémoires abondent pour permettre d’analyser les motivations et comportements de ces différentes strates. Comme le mentionne Ian Kershaw, les mémoires restent toutefois une source à étudier avec circonspection car elles sont essentiellement un plaidoyer pro domo. Les militaires y mettent par exemple volontiers en avant leur apolitisme (en réalité, une adhésion sans failles à l’hypernationalisme et l’anticommunisme du nazisme). Résignation, fanatisme, illusions les plus délirantes transpercent tour à tour à travers ces différentes sources citées par Ian Kershaw.

Le livre prend au fil des pages un caractère apocalyptique : les bombardements aériens ravagent les villes allemandes tandis que le franchissement des frontières du Reich par l’Armée rouge s’accompagne de violences de la part de soldats soviétiques ivres de vengeance. La dynamique autodestructrice à l’œuvre frappe le lecteur. Contrairement à 1918 (le repoussoir ultime pour Hitler), jamais le régime ne verra le sol s’effondrer sous ses pieds. Le pouvoir du NSDAP (le parti nazi) se montre au contraire de plus en plus écrasant, s’immisce dans toutes les sphères de la vie quotidienne. La violence et la terreur inhérentes à l’idéologie nationale-socialiste frappent désormais indistinctement civils et militaires.

Cette atmosphère horrifique rend d’autant plus grotesques les luttes d’influence sans pitié entre les principaux dignitaires nazis (Bormann, Goebbels, Speer, Himmler), partagés entre leur soif de pouvoir et leur fanatisme. Ces luttes se déclinent jusqu’aux plus bas niveaux de la hiérarchie nazie. Si le IIIe Reich est parcouru par des forces centrifuges, l’adhésion à la figure d’Hitler cimente et unifie l’Allemagne dans cette dernière ligne droite apocalyptique.

C’est ici que réside la thèse centrale de la Fin : malgré de nombreux facteurs susceptibles de renforcer la détermination des Allemands à lutter jusqu’au bout, cette résistance jusqu’au-boutiste n’aurait pu se faire sans Hitler. Il est la source unique et incontestée du pouvoir alors que le NSDAP se substitue à l’Etat. Le pouvoir charismatique dépasse et annihile toute volonté de rechercher et proposer une alternative. Refusant de survivre à sa défaite, Hitler entraîne toute l’Allemagne dans son élan autodestructeur. Liés à lui par le pouvoir qu’il leur procure, les dignitaires nazis suivent Hitler. Réfugiés derrière un « apolitisme » qui masque en réalité l’effacement de leur professionnalisme, la haute hiérarchie militaire est soumise à Hitler. En bas de l’échelle, pressurés par les instruments du pouvoir totalitaire, civils et soldats n’ont d’autres options que d’attendre la fin.

L’ouvrage de Ian Kershaw est remarquable et se lit aisément. De juillet 1944 à mai 1945, la Fin, Allemagne 1944-1945 donne les clés pour comprendre ce qui peut entraîner un pays entier dans l’abîme alors que tout est irrémédiablement perdu. Le lecteur refermera le livre secoué par cette description et analyse des mécanismes d’un élan autodestructeur.

PS : le livre existe également en format poche.

Décembre 2020.

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A
Bonjour. Simplement vous dire merci pour vos merveilleux partages ! Démarche généreuse qui mérite la reconnaissance de vos lecteurs ! Bonne année 2021 à vous. Alain Bidoul - Belgique
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H
Merci pour ce commentaire très sympathique. L'échange et le partage sont au cœur de ma démarche en créant ce blog et votre message montre que je touche du doigt cet objectif.