L’Empire mérovingien, de Bruno Dumézil

Ce blog traite principalement de la guerre moderne (XVII^e – XIX^e siècles) et contemporaine (XX^e – XXI^e). L’Antiquité gréco-latine est également une période qui m’intéresse. Je me suis parfois aventuré dans le Moyen-Âge et ses derniers siècles ou la Renaissance. En revanche, si plusieurs lectures m’ont permis d’acquérir quelques connaissances sur l’Empire byzantin, les siècles qui succèdent à la fin de l’Empire romain d’Occident me sont quasiment inconnus. Clovis premier roi chrétien en Gaule, la dynastie des Mérovingiens, ses rois fainéants, leur déposition par Pépin le Bref puis l’Empire d’Occident de Charlemagne : voici autour de quoi tournent mes quelques notions de l’ère mérovingienne. La publication aux éditions Passés composés de l’Empire mérovingien, de Bruno Dumézil, a été l’occasion de défricher mon ignorance de cette période historique. Les divers retours positifs lus sur cet ouvrage m’ont encouragé à le lire.

L’expression « empire mérovingien » peut surprendre dans la mesure où il n’y a jamais eu formellement d’empire ou d’empereur des Francs. Entre 476, année de déposition de Romulus Augustule, dernier empereur romain d’Occident, et 800, sacre de Charlemagne comme nouvel auguste, le titre impérial a disparu de l’Europe occidentale. Bruno Dumézil explique clairement le choix de ce terme dans son introduction : le royaume des Francs « constitue un acteur majeur de la scène occidentale » durant les trois siècles durant laquelle la dynastie mérovingienne régna. L’empire mérovingien se caractérise par une solidité et une durabilité que ne possédèrent pas d’autres ensembles politiques contemporains. Comme l’explique également Bruno Dumézil au début de son livre, écrire de cette période est une gageure tant les ressources documentaires sont lacunaires ou dispersées. L’historien reconnaît d’ailleurs ses limites lorsqu’il développe certains faits et avoue ne pouvoir livrer que des conjectures. Il est intéressant de voir se développer ce récit et cette analyse fondées sur des sources radicalement (textes juridiques, vies de saints, chroniques historiques) de celles de mes lectures habituelles (archives étatiques et militaires, correspondances, etc.). C’est une méthodologie historique différente que le lecteur touche ici du doigt à travers la plume de Bruno Dumézil.

Les rois mérovingiens régnèrent durant trois siècles car leur royaume fut un espace sans cesse en mouvement. Pour qui est habitué aux sanglantes luttes de pouvoir à Rome (guerres civiles entre prétendants au titre impérial ou assassinats d’empereurs), la coexistence de plusieurs rois et la relative douceur des successeurs surprend. Bruno Dumézil montre bien en quoi cet équilibre repose sur un processus d’interactions et de négociations permanentes entre les monarques et les forces vives du pays (aristocratie franque ou d’origine gallo-romaine, hiérarchie religieuse, etc.). Les trois siècles mérovingiens apparaissent comme une période de transformation où le mouvement donne une stabilité et une durabilité à l’empire mérovingien. Ce dernier, loin de rester figé, épouse les circonstances de son époque tout en restant un acteur politique majeur.

L’Empire mérovingien, de Bruno Dumézil, est une très bonne lecture afin d’élargir notre connaissance de cette période courant du V^e au VIII^e siècle en Gaule. Période virevoltante d’une Histoire d’un territoire qui n’est plus romain mais pas encore français, éclipsé par les gloires carolingiennes pourtant plus éphémères, le monde mérovingien se caractérisa par une combinaison de stabilité et d’adaptabilité. Le propos est très intéressant car il nous éloigne d’une période mythifiée d’une France de Clovis. Grâce à la meilleure compréhension qu’il offre de cette période, le livre ouvre la voie à une vision plus nuancée et équilibrée de cette période et de son influence dans la formation de la France.

Novembre 2023