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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Gettysburg 1863 - La Guerre de Sécession incarnée, de Vincent Bernard

Interrogeons plusieurs personnes et demandons-leur quelle bataille de la Guerre de Sécession leur vient en tête s’ils ne doivent en citer qu’une. Il est probable que la tendance majoritaire placerait la bataille de Gettysburg en tête. Ce ne sont pourtant pas les affrontements majeurs qui manquent dans ce conflit étalé dans un vaste cadre espace-temps. C’est malgré tout ce nom qui résonne dans les esprits. S’il fallait ensuite demander quelles étaient les conséquences stratégiques de cette bataille, cette dernière serait probablement vue comme un tournant du conflit, l’instant où la courbe s’est inversée entre le Nord et le Sud. Qui s’intéresse à la Guerre de Sécession se doute que la réalité est évidemment bien plus complexe. Si à l’instar de Waterloo en France ou au Royaume-Uni, l’historiographie américaine regorge de titres sur Gettysburg, cette bataille est toutefois peu abordée directement dans le champ éditorial français. Le dernier né de la collection Champs de Bataille (co-édité par Perrin et le ministère des Armées), intitulé Gettysburg 1863 – la Guerre de Sécession incarnée, de Vincent Bernard, vient apporter une pierre à l’édifice.

Vincent Bernard offre dans son livre une analyse et une narration claires de la bataille ainsi que des événements qui la précèdent et lui succèdent. Gettysburg 1863 suit la structure standard et maintenant bien connue des ouvrages de la collection Champs de Bataille (Kharkov 1942, Verdun 1916, Okinawa 1945). La mise en contexte est suffisamment synthétique pour mettre le lecteur peu familier de ce conflit au fait des grandes lignes de ce conflit, de ses enjeux et des caractéristiques de la guerre menée par les armées fédérales et confédérées. Le récit de la bataille est dynamique et met exergue plusieurs points importants tels que la logistique (lignes de communication, vivres, munitions), la géographie, commandement (relations de commandement, styles). Enfin, la troisième et dernière partie offre une mise en perspective qui remet à leur juste niveau les conséquences stratégiques de la victoire nordiste et propose des explications quant à la place (allant jusqu’à la mythification, pleinement illustrée par le sous-titre du livre) tenue par Gettysburg dans la mémoire de la Guerre de Sécession. Pour le lecteur désireux d’approfondir l’étude de cette bataille, une abondante littérature (plus de 6 000 références d’après Vincent Bernard) existe. Les principaux ouvrages sont cités dans la bibliographie en fin de livre.

Il est courant de dire qu’un plan de bataille ne survit pas au premier coup de feu. En l’occurrence, dans le cas de Gettysburg, le combat à ce moment et à ce lieu n’était pas prévu dans les plans de Lee ou Meade. La bataille échappe aux plans des deux généraux et s’alimente des opportunités qu’ils discernent au fur et à mesure de l'évolution de la situation tactique. Comme l’explique Vincent Bernard, l’un ou l’autre aurait pu choisir de se retirer du champ de bataille après le premier ou deuxième jour mais l'un et l'autre décident de poursuivre le combat. L’affrontement suit un rythme syncopé, déterminé par l’arrivée et la montée en ligne de nouvelles troupes. Sous la plume de l’auteur sont clairement mises en exergue les notions d’attrition, d’épuisement, de récupération, de flux des hommes et des matériels (artillerie et convois de ravitaillement). Une bataille n’est pas un événement unique et rectiligne mais un agrégat d’affrontements localisés mis en cohérence vers un but à atteindre avec plus ou moins de bonheur par les chefs tactiques. L’aspect imprévu de Gettysburg implique que de part et d’autre, cette cohérence se construit en conduite et n’a pas été planifiée en amont. Le rôle des deux commandants d’armée et de leurs subordonnés (les commandants de corps d’armée) est ici central dans la mesure où la nature éruptive de la bataille laisse une large part aux initiatives tandis qu’il incombe à Lee et Meade de fixer chacun un cap et d’orienter l’action de leurs forces vers ce but à atteindre. A titre personnel, d’autres batailles constituaient des objets d’étude bien plus riches mais la question du commandement est à mon sens cruciale à Gettysburg. Du côté confédéré, Lee vient de perdre l’un de ses principaux lieutenants, Stonewall Jackson, et paye à Gettysburg un style excessivement orienté vers le commandement par intention. Du côté fédéral, Meade est propulsé à la tête de l’Armée du Potomac dans un contexte de crise mais il mène sa barque avec sang-froid et un jugement sûr (voir ce livre : Meade at Gettysburg : a Study in Command, de Ken Masterson Brown). Rien que ces deux éléments que le livre permet de toucher du doigt ouvrent des pistes de réflexion passionnantes.

Gettysburg 1863 est le quatrième livre de la collection Champs de Bataille que je lis (il me manque Crécy 1346) et c’est encore une fois une réussite. Bien écrit, clair et passionnant à lire, ce livre propose au public francophone une ouverture à l’Histoire de la Guerre de Sécession, hélas trop méconnue. J’espère qu’il suscitera un large intérêt pour ce conflit passionnant à étudier et pour lequel j'ai une forte sensibilité.

Novembre 2023

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