Les Hommes de Mussolini, de Frédéric Le Moal

Lorsque j’étais élève en classes préparatoires lettres au Lycée militaire de Saint-Cyr-l’Ecole (il y a donc quelques années), je me rappelle avoir entendu le nom de Frédéric Le Moal, professeur d’Histoire dans le même établissement. Quelques années plus tard, son nom est remonté à la surface lorsque j’ai lu son Histoire du Fascisme (malheureusement, je n’ai pas écrit d’article sur ce livre que j’avais alors trouvé très bien). La volonté de comprendre cette idéologie, dont le nom est employé dans tous les sens, et la manière dont elle est parvenue à étendre son emprise sur tout une nation m’avait poussé vers d’autres lectures autour de cette même thématique (Mussolini, de Pierre Milza ou Soudain, le fascisme - la Marche sur Rome, l’autre révolution d’octobre, d’Emilio Gentile ) J’ai saisi l’occasion de la parution de ce nouvel ouvrage de Frédéric Le Moal pour m’y replonger.

L’auteur des Hommes de Mussolini plonge dans un niveau de détails suffisant pour croquer avec précision le portrait de ses personnages tout en conservant un rythme adapté au format de la biographie collective. Le lecteur ne s’ennuie pas dans cette galerie des hiérarques fascistes. Il ne s’agirait pourtant pas d’en faire des individus sympathiques ou attachants. Tous adhérèrent à un régime fondé sur le culte de la violence. La majeure partie s’adonna sans sourciller, si ce n’est passionnément, à cette violence. Certains furent des hommes brillants et cultivés, intellectuels de haute volée.

Pourquoi s’intéresser aux hommes de Mussolini ? Un tel ouvrage offre à mon sens l’intérêt de montrer la complexité et la diversité du fascisme italien. Omniprésent et omnipotent, Mussolini n’a jamais gouverné seul. De son ascension jusqu’à sa chute, le Duce est resté entouré d’un cercle de hiérarques Plus ou moins sincères dans leur adhésion au fascisme, tous partagent un point commun : leur dépendance à Mussolini. Le titre du livre se montre d’une simplicité percutante. Bien qu’une partie ait pu avoir des divergences idéologiques avec le dictateur italien ou bien ait développé leur propre pensée, ils étaient avant tout les hommes de Mussolini. Durant le Ventennio fasciste, chacun a un moment ou un autre tenu un rôle. Certains ont payé de leur vie leur fidélité (ou bien leur trahison) à Mussolini. D’autres ont traversé la guerre et sont morts des années après la chute du fascisme dans une plus ou moins grande obscurité. Loin d’être monolithique, le fascisme fut une idéologie mouvante tiraillée entre plusieurs tendances. Le grand talent de Mussolini fut de parvenir à se hisser au-dessus de cette mêlée, et donc des hommes qui s’y trouvaient, pour la manier à son avantage. La pratique mussolinienne du pouvoir fut avant tout un redoutable mélange de jeu d’équilibre et d'habilité manœuvrière. Lorsque usé par les défaites, il fut renversé par ces hiérarques dont il se jouait depuis des années, l’un d’eux avoua lucidement que c’est également leur chute qu’ils provoquaient. L’Italie ne voulait plus de cette élite fasciste.

Les Hommes de Mussolini, de Frédéric Le Moal, n’est pas un ouvrage difficile d’accès. Le style est clair, agréable. La lecture est aisée et rapide. Je recommande toutefois les autres ouvrages évoqués plus haut comme point d’entrée dans l’histoire de l’Italie fasciste. Le lecteur y trouvera à mon sens bien plus son compte pour comprendre ce que fut cette histoire et comprendre cette idéologie. A ce titre, les Hommes de Mussolini représentent d’abord une lecture complémentaire, très utile pour élargir d’une part sa connaissance de ces personnages que l’on croisera dans toute biographie du Duce, d’autre part pour comprendre qu’une idéologie au pouvoir, c’est d’abord une pratique faite par des individus, avec tout ce que cela suppose de complexité.

Janvier 2023