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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Pratique tactico-ludique : l’exercice Pratzen à l’Ecole de Guerre-Terre

Le poste de commandement du corps d’armée du général Przybyszewski

Le 30 novembre 2023, les stagiaires de l’Ecole de Guerre-Terre ont participé à l’exercice Pratzen. Organisé annuellement à l’occasion de l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), cet exercice sous forme de #wargame a impliqué une centaine d’officiers stagiaires renforcés par des étudiants en master. J’y commandais personnellement un corps d’armée russe (celui du général russe d’origine polonaise Przybyszewski)

 

Malheureusement pour les Français, la bataille s’achève sur une victoire austro-russe après 11 heures de combat. La connaissance des faits évite aux Austro-Russes l’erreur majeur historiquement commise, c’est-à-dire l’abandon du plateau de Pratzen, mouvement immédiatement exploité par Napoléon pour percer le dispositif adverse et ensuite le détruire morceau par morceau.

La situation à la fin de la bataille : après avoir provoqué un effondrement de l’aile gauche française au nord, les corps austro-russes se sont rabattus vers le sud et enveloppent les forces françaises.

Les caractéristiques et quelques enseignements de cet exercice :
- Trois armées (française, russe et autrichienne) organisées en corps d’armée, eux-mêmes articulées en divisions. Le pion tactique de base sur la carte est le régiment d’infanterie, le régiment de cavalerie ou la batterie d’artillerie. 
- Chaque tour de jeu correspond à une heure de combat.
- Seuls les divisionnaires voient le champ de bataille et jouent (déplacement des pions et résolution des combats) sous la supervision d’une direction de l’exercice et de l’animation.
- Les états-majors de corps d’armée et d’armée sont situés dans d’autres salles et communiquent avec leurs subordonnés par estafettes. La communication entre les états-majors russe et autrichien est soumise à certaines restrictions, ce qui alourdit la coordination entre les deux armées coalisées. L’armée française possède l’avantage d’une unité de commandement. 

Exemple d’ordre


- Par conséquent, cela génère un décalage croissant entre la perception de la situation par les états-majors et la réalité sur le champ de bataille. Je me suis à plusieurs reprises rendu compte que ma vision de la bataille en cours n’avait rien à voir son son déroulement effectif. A titre d’exemple, mon corps d’armée était constitué de cinq régiments d’infanterie et deux batteries d’artillerie. Dans la journée, je reçois le compte-rendu qu’un de ces régiments a été détruit. Plus tard, je constate que l’état-major de l’armée russe (mon supérieur) pense qu’il y a deux régiments d’infanterie détruits (sans que je sache comment il a eut cette information). A la fin de l’exercice, j’apprends finalement que mes régiments d’infanterie n’ont subi que des pertes légères et que seule une batterie d’artillerie a été détruite. Les états-majors palpent littéralement le brouillard de la guerre. 
- Dans ce brouillard, la bataille devient une accumulation de combats localisés plus ou moins bien coordonnés. A titre personnel, ma vision de la bataille s’est limitée à un front d’un à trois kilomètres, où se situaient mes propres divisions et mes voisins, en n’ayant qu’une vague idée de ce qui se déroulait dans les autres secteurs. Je garde moi-même l’intention du chef en tête afin que les ordres donnés continuent de suivre le sens général du plan initial. Il peut être tentant de ne considérer que sa portion du champ de bataille dans une vision à court terme au détriment de l’action d’ensemble. 
- La lenteur des communications (conditionnées à la qualité des messages écrits ou oraux délivrés) produit une inertie dans la manoeuvre. Il faut accepter cette inertie tout en créant les conditions pour qu’elle n’empêche pas la réalisation des objectifs fixés. L’intention du chef donnée aux subordonnés est ici cruciale : même livré à lui-même, chacun sait dans quel sens il doit orienter sa manoeuvre.
- Cette inertie laisse à chaque niveau hiérarchique une marge de manoeuvre considérable. Face aux initiatives prises par ses subordonnés, le supérieur est alors confronté à un dilemme tactique : tenter de reprendre totalement la main ou accompagner l’initiative du subordonné pour l’orienter dans le sens de sa propre intention et in fine exploiter / créer une opportunité.
- L’exercice fut passionnant et permet de toucher du doigt ce qu’était (ce qu’est ?) la conduite d’une bataille à l’ère de la poudre noire. Cela permet également de mesurer le chemin parcouru et celui qu’il reste à parcourir.

 

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