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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

L’Impératrice Eugénie, une vie politique, de Maxime Michelet

Je suis très heureux de l’acquisition et de la lecture de ce livre, l’Impératrice Eugénie, une vie politique, de Maxime Michelet. Je n’avais pas suivi sa sortie sur les étals des librairies. Cependant, sa couverture a attiré mon regard avant que ne succède l’inévitable achat. Entrer dans une librairie est comme revivre à chaque reprise l’expérience d’un coup de foudre. Jeune historien spécialisé dans la IIRépublique et le Second Empire, Maxime Michelet publie avec l’Impératrice Eugénie, une vie politique son premier ouvrage, consacré à l’impératrice des Français, dont 2020 sera le centenaire de la mort (survenue le 11 juillet 1920). Maxime Michelet est d’ailleurs, comme le mentionne le quatrième de couverture, le président du Comité d’Organisation du Centenaire de l’Impératrice Eugénie. L’Impératrice Eugénie, une vie politique s’inscrit dans un mouvement général historiographique visant à réhabiliter la mémoire du Second Empire, noircie par la défaite de 1870 et le coup d’Etat du Deux Décembre. 

 

Qui fut Eugénie ? Maxime Michelet s’intéresse assez peu à l’aspect intime de l’épouse de Napoléon III. Comme cela est souligné par le sous-titre de la biographie, c’est à Eugénie en tant que personne politique qu’il se consacre. Associée aux dates peu glorieuses de l’Empire (Expédition du Mexique, Guerre de 1870), accusée de mener son impérial mari par le bout du nez, l’aristocrate espagnole qui détint à plusieurs reprises les prérogatives de chef d’Etat en tant que régente (et fut la dernière femme de l’Histoire de France dans ce cas) apparaît dans la mémoire collective comme une femme frivole et impulsive, responsable des malheurs de la France battue. L’étude de l’historiographie par l’auteur démontre que misogynie et xénophobie ne sont pas étrangères à cette image faussée d’Eugénie à qui est attribuée une puissance fantasmée. Cette dernière fut notamment affublée des pires clichés associés aux femmes et au sang chaud latin. 

 

La plume agréable de l’auteur décrit méthodiquement le rôle politique d’Eugénie. Le mariage de Napoléon III, nouvellement élevé à la dignité impériale, avec la fille d’un noble espagnol pro-français est déjà lourd de sens : plutôt que chercher (comme son oncle avec l’archiduchesse Marie-Louise) une prestigieuse alliance matrimoniale avec une puissance européenne, l’empereur des Français affiche son indépendance et remet en cause par cet acte même la construction politique européenne issue du Congrès de Vienne de 1815. Le mariage espagnol effaçant Waterloo : le ton est donné quant au caractère politique d’Eugénie impératrice. Celui-ci est étroitement associé à la naissance du Prince impérial, futur Napoléon IV : Eugénie assure la continuité politique de la dynastie Bonaparte en enfantant un héritier. Dans la même veine, elle est garante de la continuité du pouvoir en tant que régente, pour de courtes périodes d’abord puis en devenir alors que Napoléon III est progressivement affaibli par la maladie de la pierre et que la perspective d’une abdication de l’empereur se profile. Eugénie est étroitement associée au pouvoir (elle assiste notamment aux conseils des ministres, après l’avoir présidé durant les régences de 1859 et 1865) afin de se préparer à l’exercer. Il ne s’agit pas pour elle de décider : Eugénie se soumet à une stricte discipline politique vis-à-vis de son mari et son influence ne joue que si elle va dans le sens de l’opinion de son mari. Cela ne signifie pas que l’impératrice est incapable d’une réflexion politique propre. Maxime Michelet développe plusieurs exemples démontrant l’indépendance d’esprit d’Eugénie. Seulement la loyauté envers l’empereur joue. Eugénie est consciente de son rôle politique en tant que figure du pouvoir. Déterminée à voir son fils ceindre la couronne impériale, elle prend soin d’éviter toute fissure du socle sur lequel il repose. Intelligente, pleine de grâce, exerçant un véritable « ministère de la charité », dotée d’une volonté sans faille, Eugénie est une figure incontournable du régime impérial, sur laquelle s’appuie son mari.

 

La lecture est passionnante, le livre remarquablement bien écrit. Au-delà d’Eugénie et du caractère politique de sa vie, Maxime Michelet nous livre une réflexion historiographique sur la France politique du XIXsiècle et la question dynastique. Alors que ce siècle se divise à part égale entre trois régimes différents (République, royauté, Empire) dont deux tiers de monarchie, Eugénie tient une place à part. Elle seule parmi les souveraines françaises (Joséphine, Marie-Louise, les reines de la Restauration et de la Monarchie de Juillet) fut réellement à la tête de l’Etat. Elle seule incarna réellement la question dynastique en France, à la fois comme épouse et mère, garante par son rôle matrimonial de la continuité de la dynastie impériale mais également du maintien de la monarchie en France. Jusqu’à sa mort en 1920 à 94 ans, Eugénie fut le témoin silencieux du triomphe de la République, trait d’union entre les XIXe et XXe siècles. Témoin silencieux après avoir été un acteur politique de premier plan, elle vécut assez longtemps pour voir les départements perdus de l’Est revenir dans le giron de la France. Témoin silencieux mais passionnément attaché à son pays d’adoption, comme en atteste sa lettre du 30 novembre 1918 à George Clemenceau où elle évoque « la reconstruction de notre unité nationale ».

 

Février 2020.

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