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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Rally round the flag : le 1st Minnesota Volunteer Infantry Regiment

Suite à la suppression programmée des blogs hébergés par le Monde, je récupère d’anciens articles publiés sur mon ancien blog inactif depuis quelques années. Je les republierai ici afin d’éviter qu’ils soient perdus

 

Premier de la liste, un article sur le 1st Minnesota Volunteer Infantry Regiment (en français, le 1er Régiment d’Infanterie des Volontaires du Minnesota). Pourquoi est-ce que je me suis intéressé au 1st Minnesota? Car lors de sa dissolution en 1864, certains de ses membres se sont réengagés pour servir au sein du 1st Minnesota Heavy Artillery Regiment. C’est dans ce régiment qu’a servi Albert Woolson (1850-1956), le dernier survivant de la Guerre de Sécession, à l’époque simple tambour. C’est ce lien indirect qui m’a intéressé, le fait que le dernier de ce dernier survivant, qui a vu à la fois les fusils à poudre noire et la bombe atomique, qui a vu les locomotives à vapeur et les avions à réaction, ait côtoyé les soldats de ce régiment, le fait que la mémoire du 1st Minnesota ait été vivante jusqu’en 1956, un an avant la naissance de mon père. Le temps est vertigineux parfois.

 

Quelle est donc l’histoire de ce 1st Minnesota Infantry Regiment qui se distingue dès sa création? Lorsque la guerre éclate, le gouverneur du Minnesota est à Washington et propose immédiatement au président Lincoln de constituer plusieurs unités qui se mettront au service de la future armée de l’Union. Le 1st Minnesota est ainsi réputé être le premier régiment de volontaires de l’armée fédérale. Et jusqu’à la fin de sa vie, l’un de ses membres s’enorgueillira d’avoir été le premier volontaire de l’Union. Le régiment est rapidement formé. Les volontaires viennent de tout le Minnesota, Etat situé à la frontière canadienne et admis dans l’Union il y a tout juste trois ans, bien loin des futurs théâtres d’opérations. Les soldats sont enrôlés pour trois ans (après un premier contrat de trois mois). L’entraînement est sommaire et l’enthousiasme supplée au manque de professionnalisme de ces soldats amateurs, dont très peu ont une expérience militaire. Ils ne portent pas encore le fameux uniforme bleu, mais une chemise rouge, un pantalon de flanelle noire et un chapeau noir.

Les hommes du Minnesota sont envoyés à Washington et rejoignent l’armée de l’Union naissante. Avec 30 000 hommes, c’est la plus grande armée jamais rassemblée en Amérique du Nord (un an plus tard, les armées dépasseront aisément 100 000 hommes). En juillet, elle passe à l’offensive et attaque les Confédérés à Bull Run (ou Manassas pour les sudistes). C’est une écrasante défaite pour les Fédéraux qui sont mis en déroute. Le 1st Minnesota est en première ligne et se distingue une nouvelle fois avec le taux de pertes le plus haut de l’armée fédérale. Au total, 206 hommes sont tués ou blessés au cours de leur première bataille. La défaite est rude pour les nordistes qui refluent vers Washington.

Les mois suivants sont consacrés à une reprise en main de ce qui devient l’Armée du Potomac. Au cours de cette période, le 1st Minnesota monte en puissance, reçoit de nouveaux uniformes et effectue des missions de surveillance au bord du Potomac. Au printemps 1862, il embarque pour la Péninsule où les hommes doivent affronter la chaleur, les maladies et les Confédérés. C’est une dure campagne pour l’Armée du Potomac qui est à deux doigts de s’emparer de Richmond mais doit finalement rembarquer après de furieux combats contre l’armée de Lee. Quelques semaines plus tard, le 1st Minnesota est à Antietam, pour « le jour le plus sanglant de l’Amérique ». Cent huit soldats tombent ce jour là. Dans les mois qui suivent, le régiment est à Fredericksburg et Chancellorsville mais subit des pertes très légères. On constate qu’entre les batailles, des semaines, voire des mois, s’écoulent. Au cours de ces longues périodes sans combats, le 1st Minnesota vit la routine d’un camp militaire : entraînements, corvées, gardes. Les hommes du 1st Minnesota profitent de la trêve hivernale pour écrire. Ecrire est la principale distraction des soldats au cours de la Guerre de Sécession qui ont envoyé des milliers de lettres à leurs familles ou tenu des journaux relatant leurs vies au quotidien. D’autres tiennent des chroniques dans les journaux de leurs Etats d’origine, décrivant aux lecteurs la vie des soldats au front. Les soldats vivent sous des tentes mais lorsque l’hiver arrive, ils construisent de véritables maisons faites de rondins et de terre.

 

 

La saison froide est rude en Virginie et les grandes opérations sont rares. Les armées se font face de part et d’autre de la rivière Rappahanock pendant des mois sans engager dans le combat. Les gardes (picket duty) se font sur le bord de la rivière et sont faites de défis, de conversations, d’échanges et d’escarmouches avec ceux d’en face. Ces dernières restent cependant plutôt rares : par un accord tacite, les tuniques bleues et leurs homologues en gris évitent d’engager le combat. Il existe une très belle scène dans le film Gods and Generals évoquant cette situation à la fois tendue et paisible.

 

 

Le 1st Minnesota connaît son heure de goire le 2 juillet 1863 près d’une petite ville de Pennsylvanie appelée Gettysburg. Après sa spectaculaire victoire à Chancellorsville en mai, Lee décide d’envahir le Nord. L’Armée du Potomac se lance à sa poursuite. Le 1er juillet, les deux armées se retrouvent par hasard et les premiers combats éclatent. Les renforts arrivent au fur et à mesure. Le lendemain, la situation est difficile pour les nordistes qui plient sous le choc d’une violente attaque confédérée. Le 2nd Corps, auquel appartient le 1st Minnesota, reçoit l’ordre de bloquer l’avance ennemie. Hancock, le commandant du 2nd Corps, a besoin de cinq minutes pour placer ses unités. Il ordonne au colonel Colvill, commandant du 1st Minnesota, de charger l’ennemi. La mission est suicidaire : le régiment aligne 262 hommes contre une brigade entière (1500 hommes). Mais Hancock a absolument besoin de cinq minutes. Le 1st Minnesota se prépare à l’assaut, les baïonnettes sont fixées au canon. Puis l’ordre retentit, la charge commence. Sous un déluge de plomb, les hommes courent vers l’ennemi. Les obus creusent de larges brèches dans leurs rangs. Les uns après les autres, les hommes tombent. Le drapeau du régiment flotte en tête, lacéré par la mitraille. A plusieurs reprises, le porteur s’effondre mais le drapeau est immédiatement relevé. Lorsque l’ordre de battre en retraite arrive, ils ne sont que 47 survivants à revenir indemnes. Deux cent quinze autres gisent, morts ou blessés sur le champs de bataille. Le 1st Minnesota vient de gagner le triste privilège d’être l’un des régiments qui a subi le taux de pertes le plus haut de la guerre (83%) en une seule action. Cependant, Hancock a obtenu ses cinq minutes et la déferlante grise est enrayée. La bataille n’est pas finie pour le 1st Minnesota. Le lendemain, Lee lance son ultime attaque, connue sous le nom de Pickett’s Charge : 15 000 Confédérés traversent un mile de découvert sous le feu ennemi et tentent de percer le centre fédéral. La moitié seulement en revient. Les survivants du 1st Minnesota, auxquels s’ajoute une compagnie détachée la veille en Provost Guard (police militaire) participent aux combats du 3 juillet et s’emparent même du drapeau du 28th Virginia Regiment. La bataille s’achève sur une victoire décisive de l’Union. Au total, 243 officiers et soldats du 1st Minnesota sont tombés à Gettysburg. Il n’est pas faux de dire que le sacrifice du régiment a sauvé l’Union d’une défaite certaine. En retardant l’ennemi pendant quelques minutes, ils ont donné suffisamment de temps au reste du 2nd Corps pour se déployer et enrayer l’attaque confédérée.

A l’automne 1863, le 1st Minnesota participe aux campagnes de Bristoe et Mine Run où il subit des pertes très faibles. Le reste de l’hiver 1863-1864 se passe dans le calme. Au mois d’avril, le régiment retourne à Fort Snelling, Minnesota, là où il avait été formé trois ans plus tôt. Les hommes sont démobilisés le 29 avril 1864 et le 1st Minnesota cesse d’exister. Une partie se réengage immédiatement dans le 1st Minnesota Battalion of Infantry et le 1st Minnesota Heavy Artillery Regiment. Le premier combat jusqu’à la fin de la guerre en Virginie. Le second, où sert un jeune tambour de 14 ans nommé Albert Woolson, est envoyé à Chattanooga, dans le Tennessee, pour défendre la ville, noeud ferroviaire stratégique.

 

Ainsi s’achève la formidable aventure du 1st Minnesota, considéré comme l’une des meilleurs unités de l’armée de l’Union. Rendus à la vie civile, ses vétérans se retrouvèrent régulièrement pour se rémémorer les épreuves vécues ensemble. Au fil des années, il se sont éteints, les derniers dans les années 1920.

 

Quelques références pour approfondir.

http://www.1stminnesota.net/ ce site formidable donne un visage aux hommes du 1st Minnesota. Chacun est présenté par une petite fiche biographique avec, si possible, des photographies. Les pertes par bataille sont détaillées.

The Last Full Measure : The Life and Death of the First Minnesota Volunteers, de Richard Moe. Ce livre retrace l’histoire du régiment. Il s’appuie sur la correspondance et les journaux des soldats du 1st Minnesota. Parfait pour approfondir l’histoire du régiment et découvrir la vie au quotidien de ces soldats attachants dès les premières pages.

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