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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

Mac Mahon, de Gabriel de Broglie

« J’y suis, j’y reste ». « Que d’eau, que d’eau ! ». Mac Mahon a laissé dans nos mémoires l’image d’un homme peu réputé pour sa finesse d’esprit. Les honneurs pleuvent pourtant sur cet officier devenu maréchal de France, grand-croix de la Légion d’Honneur, duc de Magenta avant d’être finalement président de la République. Monarchiste de cœur devenu ironiquement le chef d’un Etat sans roi, son mandat présidentiel nous rappelle que la IIIe République, qui fut jusqu’à récemment le régime politique français doté de la plus longue longévité, était à ses débuts dominé par la droite monarchiste. Le Mac Mahon de Gabriel de Broglie est l’occasion de s’intéresser à un homme né en 1808, qui vécut sous deux empereurs, trois rois, deux républiques, dont une qu’il présida, avant de mourir en 1893.

 

Mac Mahon, de Gabriel de Broglie, se divise en deux grandes parties : avant la présidence ; la présidence. J’ai trouvé ces deux parties inégales. La première, consacrée surtout à la carrière militaire de Mac Mahon, reste très descriptive. Le lecteur suit Mac Mahon durant sa longue carrière, dont l’essentiel se déroule au cours de la conquête de l’Algérie. Cette première partie nous éclaire sans pourtant être totalement convaincante sur le parcours d’un officier qui forgea le cœur de son expérience militaire sur la terre algérienne dès le début de sa carrière jusqu’à devenir gouverneur général de l’Algérie. Gabriel de Broglie n’est pas expert en histoire militaire et cela se ressent au fil des pages. Ecrire par exemple que la conquête de Malakoff (le fameux épisode du « j’y suis, j’y reste ») se fait sans reconnaissance puis écrire que c’est une opération méthodiquement préparée est contradictoire. S’il apparaît comme un meneur d’hommes charismatique et courageux, Mac Mahon est difficilement crédible en tant que commandant de corps d’armée ou d’armée, à l’instar des autres généraux de 1870. Sa chance fut sa blessure à Sedan qui lui épargna la capitulation, à l’inverse de Bazaine. L’un fut président de la République, l’autre mourut en exil. De fait, le maréchal ne montre guère de prédispositions intellectuelles à se remettre en cause sur le plan militaire. Le qualificatif « vieille baderne » revient d’ailleurs irrésistiblement en tête pour le décrire. Attiré par l’action, il perd en hauteur de vue ce qu’il gagne en gloire sur le champ de bataille. Or, un général doit pouvoir se détacher de la mêlée. Qu’est-ce qu'il en fut sur le plan politique ?

 

Gabriel de Broglie, conseiller d’Etat, employé à plusieurs reprises au sein de cabinets ministériels au début de la VRépublique avant de dérouler un parcours dans l’audiovisuel public, est un familier des arcanes de la politique. Cela se ressent à travers l’écriture de la seconde partie de son ouvrage, que j’ai trouvé bien plus passionnante que la première. Gabriel de Broglie est à son aise pour décrire les enjeux politiques du début de la IIIe République et l’équilibre des forces qui penche lentement mais sûrement vers l’enracinement de la République. Militaire au prestige resté intact malgré la défaite, il fut un choix consensuel parmi les monarchistes pour accéder à la présidence de la République. Profondément légaliste, il résista envers et contre tous aux appels répétés au coup d’Etat alors que la République s’enracine en France. Gabriel de Broglie emploie le terme de cohabitation (je rappelle qu’il écrit en 2000, en pleine cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin) pour décrire la nature de la présidence de Mac Mahon qui doit peu à peu céder du terrain aux républicains. Il est intéressant de constater que c’est durant cette période que la République adopte les grandes lignes (septennat réduit à cinq ans en 2000, bicaméralisme) de nos institutions actuelles. Même si je suis parfois resté méfiant face au « syndrome du biographe », c’est-à-dire une sympathie trop marquée de l’auteur pour son personnage, les analyses sont intéressantes et me donnent l’envie d’approfondir cette période.  

 

Si elle se lit bien et donne un corps à un personnage élu président de la République au cours d’une période charnière de notre histoire, la biographie de Mac Mahon m’a laissé sur ma faim. Il manquait une étincelle, un je ne sais quoi qui ne m’a pas permis de me passionner pour ce livre, notamment en comparaison d’autres biographies qui m’ont beaucoup plus marqué celle-ci (Napoléon III, de Pierre Milza ; Marmont, de Franck Favier ; l’Impératrice Eugénie, de Maxime Michelet).

 

Mai 2020.

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