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Éclectisme des goûts : lecture, Histoire, défense, wargame, Star Wars. Des choses à partager et faire découvrir au gré de l'inspiration.

De la Guerre, du maréchal Foch, textes présentés et annotés par Martin Motte

Ferdinand Foch (1851-1929), triple maréchal (de France, de Grande-Bretagne et de Pologne), est une figure centrale de la pensée militaire française. En 2023, ses réflexions structurent encore cette dernière tandis que les trois grands principes de la guerre reconnus par l’armée française (liberté d’action, économie des moyens, concentration des forces) sont ouvertement inspirés de Foch. Toutefois, qui a réellement lu Foch ? Il faut du temps et de l’envie pour se plonger directement dans un texte écrit il y a plus de cent ans. Cela en vaut-il réellement la peine ? Deux guerres mondiales, l’arme atomique et les conflits de décolonisation sont passés entretemps. Lire Foch en 2023 est-il intéressant ? La réédition en un volume intitulé De la Guerre de ses deux grandes conférences est l’opportunité d’aller directement à la rencontre de cet auteur.

Les Principes de la Guerre et la Conduite de la Guerre, conférences prononcées par Foch alors qu’il est professeur à l’Ecole supérieure de Guerre (ESG) en 1903 et 1904, sont disponibles depuis des années chez les éditions Economica. Toutefois, l’intérêt de cette réédition conjointe par Tallandier et le ministère des Armées, est de réunir en un seul livre doté d’un appareil critique ces deux textes majeurs. Cet appareil critique est produit par Martin Motte, qui intervient notamment à l’Ecole de Guerre pour donner des cours de stratégie. L’introduction et les notes permettent de mettre en perspective un texte centenaire dont les références peuvent parfois paraître obscures pour un lecteur de 2023. Martin Motte a également fait le choix dans ce travail de réédition d’abréger le texte tout en introduisant des intertitres. Si cela peut choquer les puristes (auxquels il reste toujours la possibilité d’acquérir les œuvres complètes et non abrégées), cela permet d’amener le propos à un lectorat non militaire, peu familier du vocabulaire tactique ou de la narration potentiellement longue et pesante de combats. Comme le souligne Martin Motte, le style de Foch, « abrupt et rocailleux », ne rend pas aisé l’accès au texte. Ainsi, l’appareil critique, les annexes (qui mettent notamment en exergue plusieurs passages fameux de Foch), la bibliographie commentée ouvrent au lecteur la voie vers la pensée de Foch. Je souligne notamment l’ouvrage la Pensée et la Guerre, de Jean Guitton. Dans une partie de ce livre intitulée la pensée et la guerre chez Foch, ce philosophe qui s’exprima à plusieurs reprises devant l’ESG expose la richesse de cette réflexion. J’ai été frappé par la clarté et l’intelligence de ce propos. Foch n’apparaît pas comme un objet unique mais plutôt une galaxie dans laquelle gravite toute une série de réflexions aussi enrichissantes les unes que les autres.

Au sujet de la pensée de l’ancien professeur à l’ESG, il est passionnant de pouvoir suivre directement, mot à mot, paragraphe après paragraphe, le cheminement intellectuel de Foch, tant sur le fond que sur la forme. La première conférence, des Principes de la Guerre, est surtout un texte théorique sans être abstrait, ponctué de plusieurs exemples historiques, orienté sur la méthode de raisonnement de Foch. La seconde conférence, de la Conduite de la Guerre, est un exposé où le futur maréchal de France articule sa pensée avec un cas concret, celui des combats en Alsace-Lorraine en août 1870. Il ne s’agit pas pour Foch de délivrer une vérité absolue sur la guerre. Il ne s’agit pas non plus d’élaborer un système théorique définitif mais de transmettre à son auditoire des clés de compréhension afin de faire face le jour venu au chaos du champ du bataille. De fil en anguille, au-delà des seuls principes, l’ensemble aide à mieux saisir l’influence de Foch dans la pensée militaire française, tout particulièrement lorsqu’il évoque le but à atteindre, c’est-à-dire la finalité du combat. Il est passionnant de placer dans le temps long les outils intellectuels employés dans les états-majors contemporains en décelant leurs origines.

« Connais-toi toi-même » écrit Platon. Une telle lecture accroît la connaissance et la compréhension de notre propre culture tactique et de ses spécificités. Identifier et comprendre ces dernières aident à déceler ce qui nous lient ou nous différencient d’autres cultures tactiques. Cette étape franchie, il devient alors possible de réfléchir à leur articulation en vue de se créer et enrichir un référentiel élargi. Pourquoi ? Afin de sortir de ses habitudes intellectuelles, mobiliser plus aisément ses ressources intérieures, gagner en confiance. Face au choc de l’affrontement, dans les tourments et l’incertitude du combat, cela consolidera les forces morales du chef pour la prise de décision.

Critiqué ou encensé, Foch ne laisse pas indifférent. Cette dialectique haine-célébration constitue le point de départ de la présentation de Martin Motte. Lire Foch dans cette édition complétée d’un appareil critique est une opportunité d’aller au contact de cette pensée rugueuse mais précise, dynamique, percutante. On ne comprendra pas Foch en une seule lecture. Mais cette dernière constitue un jalon pour approfondir l’étude de cette pensée dont la finalité est l’action. Et in fine se préparer soi-même à l’action par la pensée.

Septembre 2023.

En complément, deux articles centrés sur les combats de Metz sur lesquels s’appuie Foch :

- #CeJourLà - 18 août 1870 : "ça tombe comme à Gravelotte !" : récit synthétique des combats du 18 août

- Récit de partie : At Any Cost, Metz 1870 : la bataille de Rezonville (ou Mars-la-Tour) à travers une approche ludique.

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